9 février 2013

ACTU : Ouverture des travaux du Tribunal spécial panafricain consacré au cas Hissène Habré

Kadidiatou HAMA
 
Après plus de vingt ans de quiétude, l’ex-président tchadien Hissène Habré, exilé depuis 1990 au Sénégal et dont le procès semblait compromis, voit enfin la justice le rattraper. Le 8 février 2013, a eu lieu la cérémonie officielle de lancement des activités des Chambres africaines extraordinaires chargées d'instruire la procédure contre l’ancien chef d’État.

Ce Tribunal spécial s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt du 20 juillet 2012 de la Cour internationale de justice sommant le Sénégal, sur demande de la Belgique, à extrader ou juger « sans autre délai » Hissène Habré. A la faveur d’un changement dans la présidence sénégalaise, avec l’élection de Macky Sall en avril 2012, un accord a pu être conclu le 22 août 2012 entre l’Union africaine et le Sénégal pour créer les Chambres africaines extraordinaires en vue de mener le procès au sein du système juridique national sénégalais.

Le Statut de ces Chambres extraordinaires prévoit la mise en place d’une chambre d’instruction, d’une chambre d’accusation, d’une chambre d’assises et d’une chambre d’appel. Composé de dix juges et de quatre procureurs, tous nommés par l’Union africaine, ce Tribunal panafricain devra se montrer exemplaire en matière de justice équitable, afin de servir d’exemple pour d’autres situations africaines similaires.

Ce procès s’annonce historique, car il incarne un espoir pour les victimes présumées du régime de l’ancien président tchadien d’être entendues et de voir l’impunité sanctionnée par une juridiction spécialement mise en place par les institutions africaines. A cet égard, il est intéressant de relever que le Statut des Chambres extraordinaires prévoit la participation des victimes à tous les stades de la procédure en qualité de parties civiles, représentées par leurs avocats, de même que l’attribution de réparations en leur faveur.

Les Chambres extraordinaires sont chargées de poursuivre « le ou les principaux responsables » des crimes internationaux commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1 décembre 1990, mais il est possible que Hissène Habré soit la seule personne qui y sera jugée.

Accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures, Hissène Habré aurait causé la mort de milliers d’opposants entre 1987 et 1990, avant la chute de son régime. Le procès, dont la phase d’instruction vient de commencer, s’annonce long. Sa tenue apporte aussi une réponse aux problèmes que causent les refus d’extradition dans le cours de la justice.


Contexte

Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, date à laquelle il a été renversé par l’actuel président, Idriss Déby Itno, et s’est réfugié au Sénégal. Son régime à parti unique a été marqué par des atrocités commises à grande échelle, notamment par des vagues d’épuration ethnique. Les archives de la police politique de Habré, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), découvertes par Human Rights Watch en 2001, révèlent les noms de 1.208 personnes exécutées ou décédées en détention et de 12.321 victimes de violations des droits humains.

Les États-Unis et la France ont soutenu Habré, le considérant comme un rempart contre Mouammar Kadhafi et la Libye. Sous la présidence de Ronald Reagan, les Etats-Unis ont apporté en secret, et par le biais de la CIA, un soutien paramilitaire à Habré afin que celui-ci prenne le pouvoir dans son pays.

Habré a été inculpé une première fois au Sénégal en 2000. Mais les tribunaux sénégalais ont statué qu’il ne pouvait pas y être jugé, et ses victimes ont alors déposé plainte en Belgique. En septembre 2005, après quatre années d’enquête, un juge belge a inculpé Habré et la Belgique a demandé son extradition. Après que le Sénégal eut refusé d’extrader Habré vers la Belgique et rejeté au cours des trois années suivantes la demande de l’Union africaine de le juger à Dakar, la Belgique a décidé de porter l’affaire devant la Cour internationale de Justice (CIJ). L’administration Obama a également soutenu l’organisation d’un procès.

Source : HRW

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