Le Président américain Barack Obama
s’est exprimé le 23 mai à la National Defence University sur le futur de la
lutte contre le terrorisme. Son discours, présenté comme « majeur »
pour le second mandat du Président Obama, constitue à ce jour son
plus long plaidoyer en faveur des drones. Pour autant, il est loin d’avoir
répondu à toutes les interrogations que suscite ce programme.
Nous nous concentrerons sur l’un de ses aspects les
plus controversés : l’usage de drones de combat à des fins létales dans des
zones n’étant pas le théâtre d’un conflit armé.
Selon le Président Obama, les États-Unis
sont moins engagés dans une « guerre globale contre la terreur » que
dans une « série
d’efforts persistants et ciblés destinés à démanteler les réseaux
spécifiques d’extrémistes violents qui menacent l’Amérique ». Cette
approche nécessite la mobilisation de « tous les éléments de la puissance
nationale pour gagner la bataille des volontés et des idées ». Comme il le
déclarait en septembre 2012 sur CNN,
confirmé entre-temps par le Livre
blanc du Département de la Justice sur la légalité des attaques visant les
terroristes citoyens américains de haut rang, le Président Obama a rappelé la
« forte préférence » des États-Unis pour l’option non létale, à savoir
le travail de renseignement, l’arrestation et la poursuite en justice des
terroristes.
Cependant, cette possibilité n’est
pas toujours possible. La localisation des groupes terroristes dans des lieux
éloignés, difficiles d’accès, comme les zones tribales pakistanaises, peuvent
rendre difficiles le déploiement de troupes américaines à des fins de capture. Ce
type d’opération peut poser des risques pour les militaires, pour la population
locale, ainsi que pour les relations diplomatiques des États-Unis avec le pays
sur le territoire duquel se déroule le déploiement.
Le
rappel des conditions d’exercice de l’usage de la force
Dans ces conditions, et si cet État
n’a ni la volonté, ni la capacité de mettre fin à la menace (Obama insiste sur
ce point à plusieurs reprises), les États-Unis s’autorisent à employer la force
létale. Son usage privilégié démontre que les « efforts » mentionnés
précédemment sont constitutifs d’une « guerre » menée « contre
une organisation ». Obama précise que cette guerre est juste, c’est-à-dire
qu’elle est menée proportionnellement, en dernier ressort et en légitime
défense.
On rentre alors dans le vif du sujet
des conditions d’exercice de la force létale, point sur lesquel ce discours
était attendu. Pourtant, rien n’est dit qui n’ait été déjà affirmé auparavant.
La légitime défense est exercée contre une menace « continue » et
« imminente », déjà évoquée dans le Livre blanc ou par Eric
Holder, le Secrétaire à la Justice. S’agissant de la proportionnalité, on
ne sait pas si elle relève de la légitime défense ou du droit international
humanitaire. Le Président parle de la « quasi-certitude qu’aucun civil
soit tué ou blessé » comme le « plus haut standard » que l’on
peut fixer. Ce standard s’appliquerait indépendamment de la nationalité de la
cible. Il convient de rappeler que les morts et les destructions civils sont un
des éléments les plus critiqués de la politique américaine. Sont
particulièrement visées les « signature strikes », soit les frappes
visant les groupes d’individus ayant « une signature » similaire à un
groupe armé ou terroriste, qui ne sont pourtant pas abordées par le Président
Obama.
Un
pas vers la transparence
Mais, pour ce dernier, le choix des
drones est le moins mauvais, évitant les problèmes liés à l’envoi de troupes
sur le terrain risquant leur vie, celle des non-combattants, et susceptibles de
passer pour des troupes d’occupation. Pour répondre à ces critiques, il indique
que son administration a renseigné les Comités idoines du Congrès sur toutes
les frappes menées en-dehors de l'Irak et de l'Afghanistan. Il a également annoncé,
de manière inédite, la déclassification des documents relatifs à la mort des
quatre américains suite à ces actions, dont Anouar Al-Aulaqi. Au-delà, son
administration vient d’élaborer un ensemble
de lignes de conduites, de mécanismes de contrôle et de responsabilité sensé
établir un cadre précis à l’emploi de la force létale contre les terroristes.
Vers
la fin de la « guerre contre le terrorisme » ?
Au final, les frappes létales de
drones sont un des éléments d’une stratégie contre-terroriste globale
consistant à promouvoir la démocratie et la paix au Proche-Orient. Elles ne
sont pas destinées à perdurer, car - et c’est là peut-être la relative
originalité du discours d’Obama - la « guerre contre le terrorisme »,
comme toute guerre, doit se terminer. Une affirmation claire, qui semble pourtant
contredit par l’obligation de continuer « l’effort systématique de
démanteler les organisations terroristes ».
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