Catherine MAIA
Le Conseil de
sécurité n’a pas pu adopter, le 15 mars 2014, le projet de résolution dénonçant
la validité du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Fédération de
Russie, qui aura lieu demain, 16 mars, en raison du vote négatif exprimé par la
Fédération de Russie. À l’exception de la Chine qui s’est abstenue lors
du vote, les 13 autres membres du Conseil ont appuyé le texte.
Le Conseil de
sécurité aurait aussi exhorté toutes les parties à rechercher immédiatement un
règlement pacifique à ce différend par le dialogue politique direct et à
participer pleinement aux efforts internationaux de médiation.
À l’issue du vote,
la représentante des États-Unis, Mme Samantha Power, a déclaré que le
rejet de ce texte par la Fédération de Russie marquait un « moment triste
et terrible ». Le projet de résolution, a-t-elle fait observer,
n’aurait pas dû être controversé, car il se limitait à invoquer des principes
consacrés dans la Charte des Nations Unies, en particulier le respect de
l’intégrité territoriale.
« La
Fédération de Russie, qui est maintenant isolée et seule, est en tort, car elle
a tourné le dos aux normes internationales qui fondent les relations pacifiques
entre les États et a utilisé son veto pour se rendre complice d’une action
militaire illégale », a dénoncé la représentante des États-Unis. « Si la Fédération de Russie a le pouvoir d’opposer son veto à une
résolution, elle n’a en revanche pas le pouvoir d’opposer son veto à la
vérité », a-t-elle tranché, avant d’affirmer que la « Crimée
continuera de faire partie intégrante de l’Ukraine jusqu’à ce que son statut
soit modifié en vertu du droit interne ukrainien ».
S’exprimant avant
le vote, le représentant de la Fédération de Russie,
M. Vitaly Churkin, a argué que le caractère même du projet de
résolution allait à l’encontre du principe de l’autodétermination des peuples,
tel qu’il est consacré dans l’article 1er de la Charte des
Nations Unies et dans l’Acte final d’Helsinki de 1975.
Le référendum prévu
le 16 mars, en Crimée, a-t-il précisé, est « une mesure inhabituelle prise
quand la coexistence dans un seul État n’est plus possible ». En
Crimée, cette situation a vu le jour à la suite du vide juridique causé par le
coup d’État armé et les menaces de ses auteurs s’imposer l’ordre sur l’ensemble
de l’Ukraine. Le représentant russe a également rappelé que jusqu’en
1954, la Crimée faisait partie de la « Russie » et qu’elle avait été
cédée à l’Ukraine en violation de la législation en vigueur à l’époque et sans
demander l’avis de la population de Crimée. Depuis l’effondrement de
l’Union soviétique, a-t-il souligné, la Crimée n’a cessé de demander d’exercer
son droit à l’autodétermination.
« On peut tout
justifier par l’histoire, particulièrement l’injustifiable », a réagi le
représentant de la France. « Accepter l’annexion de la Crimée, ce
serait faire de la Charte des Nations Unies une farce et refaire de l’épée,
l’arbitre suprême des contentieux ». « Aujourd’hui, a déploré
M. Gérard Araud, la Russie vient d’opposer son veto à
la Charte des Nations Unies ».
« Le vote
d’aujourd’hui est donc un échec. C’est un échec pour le Conseil de sécurité
et les Nations Unies. C’est un échec pour l’Ukraine, mais c’est aussi un
échec pour la Russie », a déploré, à son tour, la représentante du
Luxembourg, dont le pays assure la présidence mensuelle du Conseil de
sécurité. Le projet de résolution, a-t-elle fait remarquer, aurait pu
contribuer à arrêter un « engrenage néfaste et la surenchère nationaliste
qui l’accompagne ».
Mme Sylvie Lucas a
également averti, à l’instar de nombreuses délégations, dont celles de
l’Australie et de la Lituanie, que si ce référendum devait avoir lieu,
« il constituerait un acte unilatéral qui risquerait de déstabiliser très
gravement l’Ukraine et toute la région ». Elle a
notamment souligné que le référendum prévu demain en Crimée est contraire
à la Constitution de l’Ukraine qui dispose que le territoire ukrainien est
indivisible et inviolable.
Son homologue de la
France a ainsi dénoncé « la mascarade d’un référendum, non seulement
illégal, bâclé, mais également réduit au choix entre deux oui,
les Criméens ne pouvant même pas se prononcer ».
S’il a dit ne pas
être surpris par le vote de la Fédération de Russie, « qui s’oppose à
toute mesure destinée à appuyer la paix et la sécurité, comme par exemple en
Syrie », le représentant de l’Ukraine s’est néanmoins dit optimiste pour
l’avenir de son pays, car, a-t-il souligné, « la véritable voix de la
Fédération de Russie est celle qui s’exprime dans les rues de
Saint-Pétersbourg, de Moscou et d’Ekaterinbourg pour défendre l’intégrité
territoriale de l’Ukraine ».
M. Yuriy Sergeyev a
indiqué qu’il avait reçu un appel téléphonique au cours de la séance
l’informant que des forces russes, à partir du sud de la Crimée, avaient
pénétré le reste du territoire de l’Ukraine. Ce développement est un
nouveau danger créé par la Fédération de Russie, s’est alarmé le représentant,
qui a demandé aux États Membres de faire tout leur possible pour stopper
« l’agresseur ».
Partisan d’une
solution politique, le représentant de la Chine, M. Liu Jieyi, a jugé
nécessaire d’établir « le plus tôt possible » un mécanisme de
coordination international pour régler la crise par des moyens pacifiques et a
invité les institutions financières internationales à réfléchir à des mesures
permettant à l’Ukraine d’assurer sa stabilité financière.
Pour sa part, la
représentante de l’Argentine, Mme María Cristina Perceval, a estimé qu’il
n’était pas utile, pour le Conseil de sécurité, de se prononcer sur « des
actes à venir aux conséquences hypothétiques ».
- Julian FERNANDEZ, « La Russie au secours de l'Ukraine ? De l'ingérence sur "invitation", par "humanité" ou en soutien du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" », Le Huffington Post, 7 mars 2014
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