25 juillet 2014

ACTU : Le Conseil de sécurité débat de la menace à la paix et à la sécurité posée par l’État islamique en Iraq et au Levant

Catherine MAIA

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Nickolay Mladenov, a prévenu, le 23 juillet, les membres du Conseil de sécurité, que l’organisation terroriste l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) était une « menace complexe » à la paix et à la sécurité en Iraq. C’est pourquoi, a-t-il souligné, il est nécessaire d’établir, avec la pleine coopération du Gouvernement de l’Iraq et du Gouvernement régional du Kurdistan, un plan pour assurer la sécurité dans le pays.

À l’approche des prochaines élections présidentielles, M. Nickolay Mladenov, qui intervenait par visioconférence depuis Bagdad pour présenter le dernier rapport du Secrétaire général (S/2014/485), a aussi averti que l’Iraq ne devait pas retarder la formation du Gouvernement car « les menaces actuelles mettent en péril l’existence même de l’État iraquien ». Il s’est aussi inquiété de la détérioration des relations entre Bagdad et Erbil.

De son côté, le Représentant permanent de l’Iraq auprès des Nations Unies, M. Mohamed Ali Alhakim, s’est étonné du soutien logistique et financier dont bénéficie l’État islamique et a prévenu que l’Iraq ne pourra retrouver une stabilité et vaincre le terrorisme sans une coopération régionale et internationale.

Le Représentant spécial s’est dit alarmé par le fait que l’EIIL contrôle à présent environ un tiers du territoire iraquien et que près d’un million de personnes déplacées se trouvent dans des zones qui échappent au contrôle du Gouvernement iraquien, tandis que des millions d’autres personnes demeurent prises au piège dans des zones de combats. M. Mladenov a aussi appelé toutes les parties à établir des corridors humanitaires, notamment dans les communautés assiégées, pour faciliter l’acheminement de l’aide.

Depuis sa dernière intervention devant le Conseil, a rappelé le Représentant spécial, le groupe terroriste -État islamique de l’Iraq et du Levant- a réussi à conquérir la deuxième ville la plus importante du pays. L’EIIL a saisi environ 450 millions de dollars des coffres de la Banque centrale de Mossoul, contrôle des infrastructures essentielles dans le secteur pétrolier et a augmenté, de manière notable, ses capacités militaires, a-t-il expliqué.

M. Mladenov a dénoncé les actions « criminelles et injustifiables » de l’EIIL qui, a-t-il dit, constitue une « menace complexe » pour la paix et la sécurité en Iraq et au-delà des frontières du pays. Il a appelé le Conseil de sécurité à exiger que l’EIIL cesse toutes les hostilités et atrocités et à s’assurer que les États Membres coopèrent avec les efforts en cours pour faire appliquer les sanctions.

La stratégie de l’EIIL consiste, a-t-il précisé, à établir une zone de contrôle permanente échappant à celui des autorités locales par le biais de la terreur et de la violence. Cette organisation, a-t-il mis en garde, cherche à radicaliser les populations en exploitant leurs griefs légitimes, manipule les divisions existantes au sein de la société iraquienne pour exacerber les divisions sectaires, fomente les troubles sociaux et sape l’autorité du Gouvernement et des élus iraquiens. M. Mladenov s’est dit extrêmement préoccupé par le sort réservé, ces dernières semaines, aux Chrétiens iraquiens dans la province de Ninewa, à qui l’État islamique a donné un ultimatum pour soit se convertir, soit payer un impôt et partir ou alors être exécutés. Des Chiites, des Turkomens, des Yazidis et des Shabaks sont victimes d’enlèvements systématiques, de meurtres ou de la destruction de leurs maisons et autres biens. Leurs maisons sont marquées et des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées. Depuis le début de l’année, a-t-il précisé, 1,2 million de personnes ont perdu leur foyer et plus de trois quarts d’entre elles se trouvent dans des zones qui échappent au contrôle du Gouvernement iraquien ou qui sont très peu sûres, tandis que des millions d’autres n’ont aucun moyen de fuir les combats.

L’ONU, a indiqué M. Mladenov, a recensé plus de 1 600 « sites de personnes déplacées » dans le pays. La situation actuelle est extrêmement préoccupante, a-t-il commenté. Le Représentant spécial a ajouté que les capacités d’accueil des gouvernorats dans la région du Kurdistan avaient été dépassées par l’arrivée d’un flux de 300 000 personnes déplacées qui s’ajoutent aux 225 000 réfugiés syriens accueillis dans la région. M. Mladenov a ensuite salué la contribution de 400 millions de dollars du Gouvernement iraquien pour financer l’aide aux personnes déplacées, ainsi que la contribution de 500 millions de dollars faite par l’Arabie saoudite pour appuyer les efforts humanitaires de l’ONU.

Le Représentant spécial a assuré que la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) déployait des efforts continus pour réduire les conséquences de la violence sur la population civile, mais qu’en dépit de ces efforts, 5 500 personnes ont été tuées et 12 000 autres blessées pendant le premier trimestre de l’année. Pendant seulement ces trois dernières semaines, près de 900 personnes ont été tuées, a-t-il fait remarquer. M. Mladenov a aussi signalé que la MANUI avait obtenu des informations selon lesquelles les femmes étaient délibérément prises pour cibles dans les zones qui sont sous le contrôle de l’État islamique et subissent d’importantes restrictions à leurs libertés fondamentales. Il s’est également dit choqué par le meurtre d’enfants et le recrutement continu, par toutes les parties impliquées dans le conflit, d’enfants soldats. Le Représentant spécial a appelé toutes les parties concernées à établir des corridors humanitaires, en particulier dans les communautés assiégées, et à respecter le droit des « organisations impartiales » de fournir une aide humanitaire.

De toute évidence, a estimé M. Mladenov, après la chute de Mossoul, l’Iraq ne sera plus jamais comme avant. Il a souligné qu’en dépit de la menace sécuritaire fondamentale que pose l’EIIL, la solution à la crise ne se trouve pas dans la « boîte à outils des opérations militaires ». Pour réussir, a-t-il souligné, tout plan de sécurité doit être mis en œuvre avec la pleine coopération du Gouvernement de l’Iraq et du Gouvernement régional du Kurdistan en s’assurant du soutien de tous contre le terrorisme. Le Représentant spécial a aussi insisté sur la nécessité de répondre aux causes profondes de la violence en prenant des mesures politiques et sociales qui répondent aux préoccupations de l’ensemble des communautés, « sans exception ».

M. Mladenov a aussi jugé essentiel d’établir une feuille de route politique pour assurer le réengagement de l’ensemble des communautés dans le processus de prise de décisions.  Les demandes légitimes des Sunnis doivent être entendues sans délai et l’impasse dans laquelle se trouvent Bagdad et Erbil doit être résolue immédiatement. Le Représentant spécial s’est néanmoins félicité de l’accord conclu, la semaine dernière, par les partis politiques du pays pour élire le Président du Parlement et ses deux adjoints.  Cet élan doit maintenant permettre l’élection du nouveau président iraquien car, a-t-il averti, l’Iraq ne peut pas se permettre de retarder la formation du gouvernement et exposer à de graves risques l’existence même de l’État iraquien.

M. Mladenov a aussi fait observer que lors des élections parlementaires, aucun bloc politique n’avait obtenu la majorité des scrutins.  Le message des électeurs est clair: tous les groupes doivent faire preuve de compromis et coopérer afin de réunifier le pays, a-t-il estimé.  Le Représentant spécial a ensuite indiqué que l’Iraq avait besoin d’un appui régional et international car, a-t-il souligné, le pays ne peut, seul, faire face aux défis actuels.

Concernant la situation dans la région du Kurdistan, M. Mladenov a insisté sur la détérioration des relations entre Bagdad et Erbil. Il a indiqué que le 3 juillet, le Président de la région du Kurdistan avait déclaré son intention d’organiser un referendum sur l’indépendance à cause de l’impasse concernant plusieurs questions importantes, comme les hydrocarbures, les lois sur le partage des revenus, le statut des Peshmerga et l’adoption du budget fédéral de 2014.  M. Mladenov a expliqué qu’en raison d’un différend budgétaire, la région du Kurdistan n’avait pas reçu le budget qui lui était alloué depuis le mois de mars et que le Gouvernement régional ne pouvait donc pas verser les salaires du secteur public.  En réaction apparente à cette situation, Erbil a commencé à exporter du pétrole indépendamment, a-t-il dit.  En outre les relations entre Bagdad et Erbil se sont détériorées davantage après un échange verbal violent entre leurs dirigeants respectifs.  Le Représentant spécial a assuré qu’il avait appelé les dirigeants politiques à s’abstenir de toute déclaration visant à compliquer la situation.

La normalisation des relations entre l’Iraq et le Koweït (S/2014/480) évolue sur de bonnes bases, a-t-il indiqué par ailleurs.  L’instabilité en Iraq rend cependant plus difficiles les décisions concernant les Koweïtiens disparus et leurs biens pendant la guerre du Golfe.  La MANUI a établi un partenariat avec la Commission sur les personnes portées disparues, a-t-il ajouté, avant de se féliciter du calendrier de travail du Comité conjoint interministériel sur les biens koweïtiens disparus établi par les deux pays.

S’exprimant à son tour, le Représentant permanent de l’Iraq, M. Mohamed Ali Alhakim, a assuré que son pays était engagé à promouvoir les conditions d’un dialogue politique inclusif, rassemblant l’ensemble des communautés, afin de faire face aux défis auxquels il est confronté.  Il a indiqué que les récentes élections parlementaires avaient permis à 13 millions d’Iraquiens de s’exprimer.  Il a précisé que le premier Président du Parlement et ses adjoints avaient été nommés le 15 juillet et que le président sera élu cette semaine. Ce dernier nommera ensuite un premier ministre qui sera chargé de former, dans les 30 jours, un nouveau gouvernement.

Il s’est dit particulièrement préoccupé par les avancées de l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), d’Al Nostra et d’autres groupes terroristes qui constituent une menace grave pour l’intégrité de l’Iraq et la stabilité de l’ensemble de la région. L’Iraq ne pourra instaurer sa stabilité et vaincre le terrorisme sans une coopération régionale et internationale, a-t-il insisté. Le représentant iraquien s’est également dit étonné par le soutien logistique et financier dont bénéficient ces groupes terroristes.  Il est important, a-t-il dit, de faire respecter toutes les résolutions du Conseil de sécurité et d’interdire vigoureusement toutes les activités visant à étendre l’influence wahhabite.

Les zones contrôlées par l’EIIL connaissent une situation grave, a-t-il souligné, en citant la série d’enlèvements de diplomates et d’exécutions, ainsi que l’exode massif d’un million de personnes. Les lieux saints musulmans et chrétiens sont détruits, a-t-il ajouté, en précisant que les Chrétiens de Mossoul sont menacés soit de se convertir, de quitter le pays ou d’être exécutés. Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme daté du 18 juillet qualifie les violations flagrantes commises par EIIL de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.

Les dirigeants iraquiens, a assuré M. Alhakim, sont convaincus que le pays ne pourra sortir de l’impasse qu’avec un gouvernement d’union nationale capable de prendre des décisions vigoureuses.


Source : ONU

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