Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants ont été
condamné le 7 août à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, un verdict
"historique" 35 ans après la chute d'un régime qui a fait quelque
deux millions de morts au Cambodge entre 1975 et 1979.
Le verdict a été accueilli par les larmes et les applaudissements de
survivants à l'extérieur de la salle d'audience. Les deux octogénaires n'ont, eux, pas esquissé la moindre émotion et leurs avocats ont immédiatement annoncé
qu'ils allaient faire appel. "C'est injuste pour mon client. Il ne savait
rien ou n'a commis aucun de ces crimes", a insisté Son Arun, avocat de
Nuon Chea.
"Un jour historique"
Malgré la perspective de ce procès en appel, "c'est un jour historique
pour les victimes cambodgiennes qui ont attendu 35 ans" pour obtenir
justice, a commenté Lars Olsen, porte-parole de la Cour.
Les deux octogénaires, poursuivis pour génocide, crimes contre l'humanité
et crimes de guerre, comparaissent depuis 2011 devant le tribunal, mais pour
tenter d'obtenir au moins un verdict avant leur mort, la procédure complexe a
été découpée.
Le jugement du 7 août concerne le premier "mini-procès" qui s'est
concentré sur les crimes contre l'humanité liés à l'une des plus grandes
migrations forcées de l'Histoire moderne. Après leur prise du pouvoir en avril
1975, les Khmers rouges ont en effet vidé les villes du pays, en application
d'une utopie marxiste délirante visant à créer une société agraire, sans
monnaie ni citadins.
Tourner la page
Khieu Pheatarak, 70 ans, faisait partie des quelque deux millions
d'habitants de Phnom Penh forcés en quelques jours d'évacuer la capitale, sous
la menace de soldats qui exécutaient ceux qui refusaient de partir. Alors que
beaucoup espèrent que ce verdict permettra de commencer à tourner la page sur
un chapitre traumatisant de l'Histoire du Cambodge, elle s'est dite "très
satisfaite". "Je n'oublierai jamais les souffrances, mais [ce verdict]
est un grand soulagement pour moi. C'est une victoire et un jour historique
pour tous les Cambodgiens", a-t-elle déclaré.
À l'issue de deux années d'audiences, l'accusation avait requis en octobre
l'emprisonnement à vie contre les deux accusés, soit la peine maximale prévue
par le tribunal qui a exclu dès sa création la peine de mort. Les deux
octogénaires, arrêtés en 2007, ont eux nié toutes les accusations retenues
contre eux, assurant n'être pas responsables des atrocités d'un régime qui a
conduit à la mort d'un quart de la population du pays, d'épuisement, de
maladie, sous la torture ou au gré des exécutions.
À l'ouverture symbolique du procès en juin 2011, avant son découpage,
quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés. Mais la ministre
des Affaires sociales du régime Ieng Thirith, considérée inapte à être jugée
pour cause de démence, a été libérée en 2012. Son mari Ieng Sary, ancien
ministre des Affaires étrangères, est décédé l'an dernier à 87 ans.
Le tribunal, critiqué pour ses lenteurs, n'a rendu jusqu'à présent qu'un
verdict définitif, contre Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la
prison de Phnom Penh S-21, ou Tuol Sleng, où 15.000 personnes ont été torturées
avant d'être exécutées en dehors de la ville. Il a été condamné en appel en
2012 à la prison à perpétuité.
Le deuxième procès de Nuon Chea et Khieu Samphan s'est ouvert fin juillet.
Il doit couvrir les accusations de génocide - qui concernent uniquement les
Vietnamiens et la minorité musulmane des Chams -, les mariages forcés et les
viols commis dans ce cadre, ainsi que les crimes commis dans plusieurs camps de
travail et prisons, dont S-21. Pol Pot, le "frère numéro un", est
mort en 1998 sans avoir été jugé.
Source : AFP
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