Jean-Marie COLLIN
La Première
Commission de l’Assemblée générale de l’ONU chargée du désarmement et de la
sécurité internationale a terminé le 21 octobre son débat thématique sur les
armes nucléaires. Comme lors des
précédentes séances, tous les États non dotés ont déploré le manque de progrès
dans le désarmement nucléaire, rappelant l’équilibre indispensable entre les
trois piliers du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de
1968 : désarmement, non-prolifération et droit à l’utilisation pacifique de
l’énergie nucléaire.
Rappelant que la
seule garantie d’éviter une explosion nucléaire volontaire ou accidentelle
était l’élimination totale des armes nucléaires, l’Egypte, au nom du Groupe des
États arabes, ainsi que le Maroc, l’Équateur et la République populaire
démocratique de Corée ont estimé que la priorité était l’élaboration d’une
convention d’interdiction des armes nucléaires. « Les armes
nucléaires sont les seules à ne pas faire l’objet d’une norme universelle
d’interdiction », a rappelé le Maroc, tandis que l’Égypte saluait la
déclaration de l’Australie, qui a exprimé les préoccupations d’un large groupe
d’États face aux conséquences humanitaires des armes nucléaires et leur soutien
à l’organisation des premières conférences internationales sur ce sujet depuis
un an.
Dans son
intervention, l’Australie s’est également inquiétée de l’existence de quelque
16 000 têtes nucléaires, appelant à la levée de l’état d’alerte de ces systèmes
et à la suppression de la dissuasion nucléaire dans les doctrines militaires
des États dotés. Dans le même ordre d’idées, l’Irlande et la Slovénie ont
introduit le projet de résolution intitulé « Faire avancer les
négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire » (L.21), par
lequel elles rappellent l’urgence de progresser dans les négociations
multilatérales sur le désarmement. De son côté Palaos, qui a rappelé que la
région Pacifique avait connu près de 300 essais nucléaires effectués par les États-Unis
et la France, a réaffirmé son soutien à la plainte déposée par les Îles Marshall devant la Cour internationale de Justice et appelé au lancement de
négociations pour l’élimination de ces armes « même si les Puissances
nucléaires n’y sont pas impliquées » et « hors de la Conférence du
désarmement » si ce mécanisme est paralysé.
Rejetant les
accusations des États non dotés, la Fédération de Russie a rappelé qu’elle
avait réduit son arsenal nucléaire de près de 90% dans le cadre des accords
START 1 et 2 conclus avec les États-Unis. Soulignant l’importance de la
confiance entre les États dotés pour engranger de nouveaux progrès, son
représentant a déploré le déploiement unilatéral de missiles par les
États-Unis, le refus de certains États de démilitariser l’espace
extra-atmosphérique et la persistance du principe de frappes
stratégiques. Mis en cause directement par la Finlande, qui lui a reproché
d’avoir bafoué le Mémorandum de Budapest de 1994 en violant l’intégrité
territoriale de l’Ukraine et en annexant la Crimée, la Fédération de Russie a
par ailleurs usé de son droit de réponse pour rejeter ces accusations. Son
représentant a indiqué que le Mémorandum de Budapest était un engagement à ne
pas employer ou menacer d’employer d’armes nucléaires et que dans le cas de
l’Ukraine, « ces obligations n’ont pas été violées ». Quant à
l’annexion de la Crimée, le représentant a indiqué que c’était « le
résultat d’un référendum » organisé « sous le contrôle d’observateurs
internationaux » qui a vu « une écrasante majorité de la population
choisir le rattachement à la Russie ».
Dans leurs
interventions, les délégations sont aussi largement revenues sur les efforts
déployés dans le domaine de la non-prolifération. La Tanzanie et l’Équateur,
appartenant aux zones exemptes d'armes nucléaires (ZEAN) d’Afrique et
d’Amérique Latine, ont souligné le rôle essentiel d’instruments de
non-prolifération de celles-ci et l’importance de l’adhésion des Puissances
nucléaires aux protocoles des Traités de Tlatelolco et Pelindaba qui prévoient
des garanties de sécurité négative aux États qui en font partie. Ces deux
pays, avec l’Égypte, au nom du Groupe des États arabes, l’Algérie, Bahreïn, la
Turquie et la République arabe syrienne ont par ailleurs déploré qu’une telle
zone n’ait pas encore été établie au Moyen-Orient, conformément au Plan
d’action adopté en 2010, à l’issue de la Conférence d’examen du Traité sur la
non-prolifération des armes nucléaires.
L’Égypte et la
République arabe syrienne ont directement mis en cause Israël, la première
regrettant qu’il « s’obstine à refuser d’adhérer au TNP et à placer ses
installations nucléaires sous le contrôle de l’AIEA », la seconde
dénonçant « la protection dont jouit Israël » et « la
politique de deux poids deux mesures qui s’applique à la région ».
« L’approche d’Israël a toujours été pragmatique », a répondu sa
représentante dans son intervention, soulignant que « les violations les
plus flagrantes du TNP » avaient été « le fait de pays du
Moyen-Orient ». Et la représentante de défendre « le principe de
réalité » et « les spécificités de la région » avant de
plaider pour l’instauration d’un « climat de coopération », avec en
premier lieu, l’adoption « de mesures pour renforcer la confiance entre
les États de la région ». Soutenant aussi l’instauration d’une telle
zone, l’Espagne et la Slovénie ont salué les efforts du facilitateur finlandais
pour parvenir à l’organisation de la conférence internationale sur ce sujet
initialement prévue en 2012.
Une autre menace au
régime international de non-prolifération dénoncée lors de cette séance a été
celle constituée par les programmes nucléaire et balistique de la République
populaire démocratique de Corée (RPDC). La Finlande et l’Espagne ont
déploré « le défi » qu’ils constituent pour la communauté
internationale, appelant la RPDC à « renoncer à ses ambitions ».
Rejetant ces
accusations, la RPDC s’est dite contrainte de développer un tel programme, en
raison de la menace exercée par les États-Unis. Son représentant a dénoncé
à la fois « le chantage nucléaire constant », les « exercices
nucléaires annuels », la modernisation des arsenaux, « la présence
d’ogives nucléaires sur les territoires d’autres États » et le maintien de
la dissuasion nucléaire dans les doctrines militaires des Puissances nucléaires.
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