5 décembre 2014

ACTU : L'impact humanitaire des armes nucléaires au coeur de la Conférence de Vienne de décembre 2014

Jean-Marie COLLIN

Plus de 150 Etats vont se rencontrer à Vienne les 8 et 9 décembre 2014. Leur objectif : consacrer deux jours de réflexion exclusivement aux conséquences et aux risques de détonation – accidentelle, par folie humaine ou volontaire  d’une arme nucléaire, en vue de renforcer la sécurité mondiale.

Alors que plus de 16 300 armes nucléaires sont réparties à travers le monde depuis 2010, des Etats (Suisse, Costa-Rica, Autriche, Mexique, Saint Siège, Afrique du Sud…) ont décidé d’engager des actions concrètes pour réveiller les consciences des Etats sur l’urgence de parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires.

Leur action part d’un constat simple : eux, Etats non dotés d’armes nucléaires (ENDAN) ont réalisé toutes leurs obligations internationales de non-prolifération. Ainsi, ils sont soumis, par exemple, aux contrôles de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et des membres de zones exemptes d’armes nucléaires, ils ont renforcé leur Constitution pour interdire les armes nucléaires (cas de l’Autriche), ratifié différents traités comme le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ou encore rempli les obligations de la Résolution 1540 du Conseil de sécurité, etc. Dans le même temps, ils constatent que les Etats dotés d’armes nucléaires (EDAN), malgré la réduction de leurs arsenaux nucléaires – indéniable – conservent un nombre élevé d’armes nucléaires, poursuivent des politiques de modernisation pour les 50 prochaines années et continuent de garder la dissuasion nucléaire au cœur de leur politique de défense.

Le cynisme des puissances nucléaires, auquel s’ajoute désormais la connaissance des conséquences de la détonation d’une arme nucléaire sur la santé humaine, l’environnement et l’économie ont provoqué cette volonté de lancer, en mars 2012 en Norvège, un cycle de conférences portant sur la dimension humanitaire du désarmement. La société civile, regroupée autour de ICAN, une Campagne internationale pour l’Abolition des armes Nucléaires, est partie prenante de cette action.

Après la conférence de février 2014 au Mexique, lAutriche accueille cette troisième conférence, où le nombre d’Etats attendus est au moins de 150, plus des organisations internationales comme le CICR, le PNUE, ou l’OMS. Par cette action, Vienne montre qu’elle respecte ses engagements pris dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Cette conférence doit être comprise comme un cadre constructif, qui traduit les objectifs du Document final de la Conférence d’examen du TNP de 2010, lequel affirme que « tous les États doivent faire un effort particulier pour établir le cadre nécessaire à l’instauration et à la préservation d’un monde sans arme nucléaire ». 

Cette conférence permettra de mieux comprendre les dangers et enjeux sécuritaires. Il faut remarquer, parmi les différentes sessions prévues, celles consacrées aux « Facteurs de risques sous-jacents à l’emploi volontaire ou accidentel d’armes nucléaires » et aux « Scénarios, défis et capacités au regard d’une utilisation d’armes nucléaires et d’autres événements ». La conférence va offrir un espace de discussion et d’échanges pour tous les Etats présents, assurant une pleine compréhension de la dimension humanitaire du désarmement nucléaire. Tous les points de vue seront entendus, assurant ainsi un dialogue fort entre les Etats présents.

Il est évident qu’un autre enjeu va également se jouer à Vienne, celui de la suite. Certes, si tous les Etats souhaitent que le TNP reste la clef de voûte du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, force est de constater que cette voûte pourrait bien s’écrouler devant l’absence réelle de volonté des EDAN de réaliser leurs engagements pris à maintes reprises (voir les multiples engagements non respectés dans les Documents finaux des Conférences d’Examen du TNP de 1995, 2000 et 2010). Ainsi, il est indéniable que certains Etats se posent la question de lancer un processus parallèle et en soutien au TNP. Ce processus pourrait revêtir la forme d’un traité d’interdiction des armes nucléaires. Ce traité viendrait renforcer pour les Etats ayant renoncé à la bombe leur légitimité internationale à œuvrer au désarmement nucléaire, tout comme le régime de non-prolifération (une nouvelle assurance), et accentuerait la pression internationale sur les possesseurs d’armes nucléaires. Ceux-ci ne pourraient rester indifférents à un tel processus et seraient irrémédiablement « embarqués », la société civile et les parlements à travers le monde jouant leur rôle de pression auprès des gouvernements.

Vienne a déjà réussi une partie de son objectif : obtenir la présence d’Etats (les EDAN) officiellement reconnus par le Traité de non-prolifération nucléaire. En effet, les Etats-Unis et le Royaume-Uni vont participer à cette conférence après avoir fortement critiqué le concept, ses objectifs et ne pas avoir été présents aux deux premiers cycles. La Russie sera une nouvelle fois absente. La Chine n’a pas encore donné de réponse, tout comme la France.

Cette dernière a toujours eu une approche très négative sur cette « dimension humanitaire du désarmement », ne souhaitant discuter du désarmement nucléaire à la fois qu’au sein de l’ONU et que dans un processus qu’elle maîtrise. Si la France ignore une troisième fois cette conférence intergouvernementale, il est certain qu’elle renouera avec l’image forte du « mouton noir du désarmement nucléaire » acquise entre 2005 et 2010.


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire