11 mai 2015

ACTU : Crise des migrants : au Conseil de sécurité, l’Union européenne appelle la communauté internationale à réagir de manière urgente, durable et globale

David ROY

La Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, a affirmé, le 11 mai, devant le Conseil de sécurité, que l’année 2015 serait pire que 2014 en ce qui concerne la situation des migrants, appelant ainsi la communauté internationale à réagir de manières urgente, durable et globale à cette « crise tragique ».
En 2014, plus de 3 300 personnes ont trouvé la mort en mer en tentant de rejoindre l’Europe, a déclaré Mme Mogherini, estimant que ce chiffre serait dépassé cette année. « La priorité est de sauver des vies et d’empêcher d’autres pertes en mer », a ajouté la Haute Représentante, soulignant qu’il s’agissait là d’une « situation sans précédent, exceptionnelle, qui exige une réponse coordonnée ». « Il est nécessaire d’y répondre immédiatement de manière conjointe », a-t-elle dit. 
Mme Mogherini s’exprimait, lors de cette séance du Conseil tenue sur le thème « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales », aux côtés du représentant de l’Union africaine, M. Tete Antonio, et du Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales et le développement, M. Peter D. Sutherland.
Mme Mogherini a indiqué que cette crise sera durable si on ne s’attaque pas à ses causes premières.  Il n’y a pas de solution magique, et il faut une réponse globale à une crise globale, a-t-elle lancé. « S’attaquer à cette situation est avant tout un devoir moral et est dans l’intérêt partagé de tous les pays de la Méditerranée et des pays de transit », a-t-elle souligné.
La Haute Représentante a assuré que l’Union européenne était prête à prendre ses responsabilités pour sauver des vies, accueillir des réfugiés et lutter contre les organisateurs des trafics. Elle a souligné l’importance d’établir des partenariats étroits avec des pays de la région de la Méditerranée, l’Union africaine, et la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il faut, a-t-elle déclaré, « adopter une approche globale en s’attaquant à tous les problèmes connexes ».
Mme Mogherini a redit la nécessité de traiter les causes premières de cette situation, à savoir la pauvreté, l’accès inégal aux ressources, les conflits et les violations des droits de l’homme. « L’Union européenne jouera son rôle », a-t-elle assuré.
La Haute Représentante a indiqué que le 13 mai, la Commission européenne présenterait un nouveau programme européen sur la migration, sur les moyens à mettre en œuvre pour y répondre d’une manière immédiate et durable.
Elle a appelé une nouvelle fois à œuvrer de concert avec les communautés régionale et mondiale, précisant que le 23 avril dernier l’Union européenne avait renforcé les efforts engagés pour démanteler les réseaux de trafiquants.
« Ma présence ici est importante pour nous », a déclaré Mme Mogherini, précisant que, ces dernières semaines, l’Union européenne s’était préparée à des opérations maritimes. Le Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, qui va se réunir le 18 mai prochain, devra prendre des décisions à cet égard, a-t-elle annoncé.
Mme Mogherini a également exprimé la volonté de l’Union européenne de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  L’Union européenne respectera toujours le droit international, le droit international humanitaire et les droits de l’homme, a-t-elle insisté. 
La Haute Représentante s’est en outre penchée sur la situation en Libye, où, a-t-elle dit, « la majorité des trafics humains se produisent ». Tant qu’il n’y aura pas de gouvernement légitime qui exercera son autorité sur le territoire et les frontières maritimes du pays, la crise perdurera, a-t-elle observé, assurant que l’Union européenne appuierait le processus visant à faciliter l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale en Libye.
Le message de l’Union européenne aux Libyens est clair, a-t-elle dit, ajoutant à leur adresse: « l’Union européenne est prête à vous appuyer de toutes les façons possibles. L’Union européenne sera à vos côtés de la façon que vous déterminerez. »
« Nous n’agirons pas contre quiconque, mais en partenariat avec tous », a-t-elle également observé.  L’Union européenne est prête à relever les défis d’un point de vue sécuritaire et humanitaire. « L’Union européenne fera beaucoup, mais ne pourra le faire seule », a poursuivi la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, appelant à lutter contre les organisations criminelles « qui alimentent le désespoir ».
M. Tete Antonio, qui a pris la parole au nom de l’Union africaine, a déclaré que les événements épouvantables qui ont lieu en mer Méditerranée devraient interpeller la communauté internationale et l’inciter à accorder de l’intérêt aux causes profondes des migrations. L’Observateur permanent de l’Union africaine auprès des Nations Unies a estimé que l’augmentation du nombre de personnes qui tentent de traverser la Méditerranée est liée aux conflits qui affectent le continent africain, y compris la crise libyenne. 
Il a souligné que toute solution sur la question des migrations qui ne tiendrait pas compte de cette réalité serait de fait inefficace. Toute solution, a-t-il ajouté, doit tenir compte du droit international et du droit international humanitaire, une collaboration franche devant être forgée entre les acteurs internationaux, l’Union africaine, l’Union européenne, ainsi que les pays d’origine, de transit et de destination des migrants. 
D’autres facteurs conduisent aux migrations, notamment les tensions sociales, le chômage des jeunes, les conséquences des changements climatiques comme la sécheresse et la rareté de l’eau et le manque de progrès dans la gestion de la mobilité au sein du continent africain, a-t-il expliqué.
M. Tete Antonio a promis que l’Union africaine était prête à jouer son rôle en collaboration avec ses partenaires.  L’Union africaine et l’Union européenne ont adopté, au cours de leur quatrième sommet conjoint, en avril 2014, une déclaration commune dans laquelle elles ont notamment souligné leur engagement en matière de migration et de mobilité, celles-ci, en tant que moteur de la croissance inclusive et du développement durable, devant être dûment prises en considération dans le programme de développement pour l’après-2015. 
M. Tete Antonio a également souligné l’incidence politique qu’ont les migrations sur les communautés d’accueil, déplorant dans ce contexte la montée de la xénophobie en Afrique et ailleurs.  Il a aussi appelé au renforcement de la coopération régionale sur la question des migrations en Afrique, notant que les déplacements à l’intérieur du continent étaient plus importants que ceux entre l’Afrique et le reste du monde.
M. Sutherland a, lui aussi dans son intervention, appelé la communauté internationale à prendre des mesures de répression contre les trafiquants et passeurs. Il a également plaidé pour un dialogue nourri entre les Nations Unies, les organisations régionales, et les gouvernements, notamment ceux des pays d’origine, de transit et de destination des migrants. 
Enfin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales et le développement a expliqué qu’au cours des 130 premiers jours de l’année 2015, 1 800 personnes se sont noyées en Méditerranée, un chiffre 20 fois supérieur aux statistiques portant sur la même période l’an dernier. 
Il a averti qu’à ce rythme, entre 10 000 et 20 000 migrants pourraient périr d’ici à l’automne prochain, ajoutant qu’il était de notre responsabilité collective d’agir.
Le Représentant spécial a aussi déclaré que les migrants payaient parfois 5 000, 10 000 ou même jusqu’à 15 000 dollars aux passeurs pour avoir le droit de traverser la Méditerranée. Ces migrants, a-t-il dit, sont conscients du fait qu’ils risquent de perdre la vie en s’engageant dans ce voyage.  Mais il est évident, a-t-il précisé, que la situation qui les a poussés à fuir leurs pays est plus dangereuse encore.  
C’est notamment le cas des réfugiés syriens, qui représentent le tiers de tous ceux qui tentent de traverser la Méditerranée illégalement, a-t-il ajouté.  M. Sutherland a estimé que toute stratégie de réponse à cette crise, y compris de la part du Conseil de sécurité, passait par la nécessité de sauver des vies. « Ne pas agir en ce sens constituerait un échec moral », a-t-il estimé. 
M. Sutherland a aussi invité l’Europe et l’Afrique à adopter une stratégie commune contre les trafiquants et passeurs, expliquant que faire traverser les migrants d’un continent à l’autre est un commerce qui est devenu plus lucratif que celui des armes ou des drogues. Il a mis en garde contre la complexité de cette crise, notant que même si on venait à bout des passeurs et autres trafiquants, les migrants se retrouveraient de fait bloqués dans un pays de transit, sans protection, sans droit à l’éducation ou encore, à la santé.
M. Sutherland a estimé que l’ensemble de la communauté internationale devait partager équitablement le fardeau des réfugiés, déplorant la situation qui prévaut dans des petits pays comme la Jordanie ou le Liban qui accueillent à eux deux près de 1,8 million de réfugiés syriens. Il a invité la communauté internationale à renforcer son assistance aux pays proches des zones de conflit, afin que ces derniers puissent assurer la protection des migrants et faciliter l’accès à l’éducation à leurs enfants. 
Il a souligné en outre que la réinstallation des réfugiés et d’autres formes de prises en charge humanitaires constituaient des méthodes parmi les plus sûres et les plus organisées de protection des migrants.  « Nous avons besoin de plus de pays d’accueil et de quotas de réinstallation plus larges », a-t-il lancé, en rappelant que seulement la moitié des 28 pays de l’Union européenne étaient des pays d’accueil. 
M. Sutherland a par ailleurs proposé que d’autres options légales soient offertes aux réfugiés, par exemple des visas humanitaires, des statuts de protection temporaire ou encore des visas de court terme.  Pour ce qui est des médecins, des enseignants, des ingénieurs, des infirmières ou des professionnels de la construction, a-t-il encore déclaré, ils pourraient bénéficier de visas de travail, de visas saisonniers ou de visas de migration circulaire.
Le Représentant spécial a aussi mis l’accent sur la responsabilité des pays d’origine des migrants, notamment ceux où les inégalités, les dysfonctionnements de la gouvernance et la pauvreté poussent les gens à fuir. Il a estimé que les dirigeants de ces pays doivent être davantage redevables. 
Il a par ailleurs souhaité que tout plan international intègre des accords de retour pour les réfugiés qui n’ont pas forcément besoin de la protection internationale. Il a salué l’annonce d’un plan européen sur les migrations qui devrait être adopté prochainement par la Commission de l’Union européenne.  M. Sutherland a aussi souhaité que la question des migrations et des réfugiés figure dans le programme de développement pour l’après-2015.

Source : ONU

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