10 novembre 2015

ACTU : Conseil de sécurité : la Procureure de la CPI demande la remise de Saif Al-Islam Qadhafi et s’alarme des crimes commis par Daech en Libye

Catherine MAIA

La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, présentant son dernier rapport aux membres du Conseil de sécurité concernant la Libye, a demandé, le 5 novembre, aux autorités libyennes de remettre à la Cour, dans les plus brefs délais, Saif Al-Islam Qadhafi, qui est visé par un mandat d’arrêt délivré le 27 juin 2011. Les autorités de son pays sont engagées à s’acquitter de leurs obligations internationales, a assuré le représentant libyen, après que les 15 membres du Conseil ont pris la parole. 

Mme Bensouda s’est également dite alarmée par les attaques commises par les différentes parties en Libye, y compris l’armée nationale libyenne et Daech, ce dernier étant responsable du plus grand nombre de victimes civiles recensées dans le pays. Les auteurs de ces crimes pourraient être traduits soit devant les juridictions nationales, soit devant la CPI.

La Procureure a commencé son exposé en soulignant la lueur d’espoir que suscite la création d’un Gouvernement d’entente nationale en Libye.  « Une ère de redevabilité et d’État de droit semble être à la portée des mains des Libyens », a-t-elle estimé.  Mme Bensouda a ensuite détaillé les derniers éléments des affaires portées à l’encontre de Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi.

Les autorités libyennes n’ont pas respecté leur obligation de remettre Saif Qadhafi à la Cour, a-t-elle déploré, en insistant pour qu’il soit transféré à La Haye dans les plus brefs délais. Plusieurs délégations, dont celle de la France, ont appuyé cet appel, en demandant que le Conseil de sécurité fasse davantage d’efforts pour que cela soit fait sans tarder.

Mme Bensouda a ensuite rappelé que son Bureau avait demandé à la CPI d’enjoindre à la Libye de ne pas exécuter Saif Qadhafi, avant de préciser que les autorités libyennes avaient assuré la Cour que cette condamnation à mort n’était pas applicable car Saif Qadhafi avait été jugé par contumace. Le 28 juillet 2015, la Cour d’assises de Tripoli avait condamné à mort le fils de l’ancien dirigeant libyen et Abdullah Al-Senussi, au terme d’un procès qui, selon le rapport présenté ce matin, n’aurait pas respecté les principes fondamentaux garantissant un procès équitable. Le délégué de la Nouvelle-Zélande a ainsi regretté la condamnation à mort de Saif Qadhafi.

En ce qui concerne l’affaire Al-Senussi, la Procureure a rappelé la décision de la Chambre préliminaire I relative à l’irrecevabilité devant la Cour. Le Bureau n’est actuellement pas en mesure d’affirmer avec certitude que les raisons pour lesquelles cette affaire a été jugée irrecevable peuvent être infirmées, a-t-elle déclaré, tandis que le représentant de l’Espagne a estimé « que cette décision d’irrecevabilité pourrait être revue ».

« Les autorités libyennes sont engagées à s’acquitter de leurs obligations internationales, même si la Libye n’est pas partie au Statut de Rome », a répondu le représentant libyen, tout en faisant remarquer que le Bureau du Procureur général libyen, qui se trouve en territoire contrôlé par les milices, était confronté à de sérieuses contraintes. « Le Gouvernement libyen estime que l’on ne peut pas parler de procès équitable quand ce procès se déroule dans une zone contrôlée par des groupes hors la loi et violents ».

Citant les attaques perpétrées par les parties en Libye, y compris l’armée nationale libyenne, Daech ou autres « acteurs internationaux », Mme Bensouda a fait observer qu’au cours de la période considérée, 634 incidents et au moins 1 539 civils avaient été tués.  Elle a affirmé que Daech était responsable du plus grand nombre de ces morts et que 26 des 37 attaques-suicide enregistrées lui étaient imputables.  Les auteurs de ces crimes, a-t-elle estimé, pourraient être poursuivis tant par les autorités libyennes que par le Bureau du Procureur de la CPI.

Partageant ce point de vue, la représentante des États-Unis a souligné que « la justice doit être rendue pour les atrocités commises en 2011 en Libye, mais aussi pour les crimes perpétrés actuellement par les groupes affiliés à Daech ».  Elle a encouragé les États à poursuivre les combattants terroristes étrangers qui sont enrôlés dans les rangs de Daech, dont la « cruauté des actes » a notamment été condamnée par le représentant de l’Espagne.

Répondant au représentant du Tchad, qui déplorait « les trainements inhumains auxquels les migrants africains sont soumis en Libye en raison de leur appartenance raciale ou religieuse », M. Ibrahim Omar Ali Dabbashi a soutenu que la couleur de la peau ne signifiait rien en Libye. Ces rumeurs ont commencé lorsque Mouammar Qadhafi a enrôlé des personnes issues de pays subsahariens pour lutter contre la révolution. Or, « de nombreux frères africains vivent et travaillent sous la protection de familles libyennes », a-t-il soutenu.



Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a souligné les progrès qui ont été faits en Libye sur la voie de la paix et de la stabilité grâce, notamment, à la création d’un gouvernement d’entente nationale. Le dialogue national en cours est un espoir pour une transition et une paix durables, a-t-elle dit, avant de se féliciter également des pourparlers fructueux qui se sont tenus pour résoudre la question de Tawergha.

« Une ère de redevabilité et d’état de droit semble être à la portée des mains des Libyens », a-t-elle affirmé. Elle a, de même, souligné que la communauté internationale ne saurait rester inactive en Libye alors que le pays glisse vers le chaos et l’instabilité. Réitérant la volonté de son Bureau d’enquêter sur les atrocités commises en Libye, elle a rappelé que son Bureau avait sollicité auprès des États parties des ressources pour mener des enquêtes additionnelles. Il semblerait que ces ressources ne seront pas débloquées, a-t-elle déploré, en soulignant qu’il était important pour le bon fonctionnement de son Bureau de disposer des ressources nécessaires. Elle a ainsi exhorté le Conseil à appuyer son Bureau afin qu’il obtienne ces ressources, en application de l’article 115(b) du Statut de Rome.

Abordant le cas de M. Saif Al-Islam Qadhafi, elle a indiqué que les autorités libyennes n’avaient pas respecté leur obligation de remettre ce dernier à la Cour. La Libye doit remettre M. Qadhafi dans les plus brefs délais, a-t-elle dit.  La Procureure s’est dite cependant très préoccupée par les vidéos montrant des actes de torture subis par M. Qadhafi et M. Al-Senussi à la prison Al-Habda, tout en précisant que les autorités libyennes l’avaient assurée qu’elles enquêtaient sur ces actes.
Rappelant que son Bureau avait demandé à la Chambre préliminaire I d’enjoindre à la Libye de ne pas exécuter M. Qadhafi, Mme Bensouda a indiqué que la Libye avait répondu que la condamnation à mort de ce dernier n’était pas applicable puisqu’il avait été jugé par contumace. Les autorités libyennes ont reconnu qu’elles n’avaient pas la garde de M. Qadhafi, a-t-elle dit, en se référant à leur lettre du 20 août 2015.

En ce qui concerne M. Al-Senussi, le Bureau du Procureur continue de suivre le dossier et de collecter des informations aux fins d’identifier de nouveaux faits pouvant justifier une demande de réexamen de la décision de la Chambre préliminaire I relative à l’irrecevabilité devant la Cour. Elle a précisé que le Bureau n’était actuellement pas en mesure d’affirmer avec certitude que les raisons pour lesquelles cette affaire avait été jugée irrecevable pouvaient être infirmées.

Mme Bensouda s’est dite préoccupée par les attaques commises par toutes les parties libyennes, y compris l’armée nationale libyenne, Daech et des « acteurs internationaux », causant la mort de civils. Sur la période considérée, 634 incidents et au moins 1 539 civils tués dans des circonstances violentes ont été recensés, a-t-elle dit, en affirmant que Daech était responsable du plus grand nombre de ces morts. Elle a précisé que 26 des 37 attaques-suicide enregistrées étaient le fait de Daech. Elle a fait observer que Daech exécute des personnes pour des chefs d’espionnage, d’homosexualité et d’activisme social. Mme Bensouda a rappelé que les auteurs de ces crimes pouvaient être poursuivis au niveau national ou devant la CPI.

La poursuite de la coopération, de la coordination et de la consultation entre mon Bureau et les autorités libyennes demeure cruciale pour l’application de l’accord conclu en novembre 2013 sur le partage du fardeau relatif aux enquêtes et poursuites diligentées en Libye, a déclaré Mme Bensouda.  Elle a encouragé les efforts du Procureur général de la Libye pour coopérer avec la Cour et dit son appréciation des efforts de coopération d’États parties et non parties et des organisations internationales. Elle a souligné qu’il était nécessaire de renforcer les capacités nationales de la Libye pour répondre aux crimes identifiés par le Statut de Rome par le biais de la formation d’un groupe de contact international sur les questions judiciaires.  Les avancées récentes enregistrées en vue de la création d’un gouvernement d’entente nationale pourraient permettre une revitalisation des discussions sur cette question dans un futur proche, a déclaré Mme Bensouda.

« J’appelle tous les autres États, qui ne l’ont pas encore fait, à coopérer avec mon Bureau », a-t-elle conclu, en soulignant que certaines personnes pour lesquelles son Bureau a un intérêt se trouvaient hors de la Libye. 


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