27 janvier 2016

ACTU : CPI : ouverture d'une enquête sur la guerre Géorgie-Russie de 2008

Catherine MAIA

La Cour pénale internationale (CPI) a autorisé, le 27 janvier, la procureure à enquêter sur la guerre éclair d'août 2008 ayant opposé Géorgie et Russie pour le contrôle de l'Ossétie du Sud. A cette occasion, la CPI ouvre sa première enquête sur des crimes présumés commis par des forces russes et sa première enquête aussi sur un conflit non africain.

Le Bureau du Procureur de la CPI avait commencé à examiner des allégations de crimes liés au conflit d'août 2008 dès la fin de celui-ci. La procureure, Fatou Bensouda, avait ensuite demandé, en octobre 2015, l'autorisation d'ouvrir une enquête sur la situation en Géorgie, affirmant avoir des preuves que des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre avaient été commis.

Selon les termes du Statut de Rome de 1998, traité fondateur de la CPI, le Bureau du Procureur peut chercher à ouvrir une enquête proprio motu – c'est-à-dire en l'absence d'une saisine émanant d'un État ou du Conseil de sécurité des Nations Unies – mais il doit d'abord y être autorisé par une chambre préliminaire de la CPI. Dans leur décision, les juges de cette chambre doivent se fonder sur les éléments matériels fournis par le Bureau du Procureur en vue déterminer s'il existe une «base raisonnable» pour donner suite à cette demande. A ce stade, les victimes ont aussi la possibilité de faire connaître leur point de vue à la chambre préliminaire.

Dans ce cas, la Chambre préliminaire I a fait droit à la demande de la Procureure, estimant qu'il y a une base raisonnable de croire que des crimes incluant des meurtres, persécutions, déplacements forcés de population et pillages, ont été commis entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008, par les forces armées en présence.

La Russie et la Géorgie s'étaient affrontées pendant une semaine, du 7 août 2008 jusqu'à la conclusion d'un cessez-le-feu le 15 août. Cette guerre éclair pour le contrôle de l'Ossétie du Sud - une région sécessionniste de Géorgie à la frontière des deux pays et entretenant d’étroites relations avec Moscou - s'était soldée par une victoire de la Russie, qui a ensuite reconnu l'indépendance de ce territoire.

Le conflit a eu un impact terrible sur les civils. Suivi de plusieurs semaines de violences incontrôlées, ainsi que l'insécurité dans les zones affectées, il a fait des centaines de morts dans chaque camp, causé des dommages considérables aux biens civils et entraîné le déplacement forcé de plus de 120 000 personnes, selon un bilan d'août 2008 du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés. Selon le Bureau du Procureur de la CPI, la population d'origine géorgienne dans cette zone «a été réduite d'au moins 75%».

En devenant État partie au Statut de Rome en 2003, la Géorgie a donné compétence à la CPI pour enquêter sur les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants, bien que la Russie ne soit pas elle-même un État partie au Statut de Rome.

L’enquête ouverte en Géorgie pourrait enfin entrouvrir la voie de la justice pour les victimes des crimes internationaux commis lors de ce conflit de 2008 en Ossétie du Sud. Elle pourrait également permettre d’écarter les accusations de partialité dont la CPI a été la cible en raison sa focalisation, jusqu’à ce jour, sur le continent africain et de concrétiser la vocation universelle de cette Cour.




Déclaration de Fatou Bensouda, Procureure de la Cour pénale internationale, à la suite de l’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en Géorgie, 27 janvier 2016

Aujourd'hui, le Bureau du Procureur (le « Bureau ») de la Cour pénale internationale (CPI) a été autorisé par les juges de la Chambre préliminaire I à ouvrir une enquête au sujet de crimes relevant de la compétence de la CPI qui seraient commis sur le territoire géorgien entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.

Le Bureau avait présenté sa demande d'autorisation par la Chambre préliminaire le 13 octobre 2015, à l'issue de son examen préliminaire de la situation en Géorgie depuis août 2008, qui lui avait permis de rassembler des informations sur les crimes imputés aux trois parties au conflit armé en cause, les forces armées géorgiennes, les forces sud-ossètes et les forces armées russes.

Cette demande avait alors été présentée en grande partie en raison du rythme des procédures engagées à l'échelle nationale puis, finalement, de l'absence de procédures. Compte tenu du principe de complémentarité prévu au Statut de Rome, la CPI ne saurait engager une procédure si les autorités nationales concernées ont déjà entamé (ou mené) de véritables procédures à leur niveau au sujet des mêmes affaires. Récemment encore, les autorités compétentes géorgiennes et russes menaient des enquêtes sur les personnes qui semblaient porter la plus grande part de responsabilité dans certains des crimes en cause. Malgré les obstacles et les retards inhérents à ces enquêtes, celles-ci semblaient progresser. Toutefois, au mois de mars de l'année dernière, les procédures engagées en Géorgie avaient été suspendues sine die. Le Bureau continue de suivre l'évolution des procédures engagées en Russie, qui semblent se poursuivre au vu des informations dont il dispose.

Les conclusions de la Chambre préliminaire à ce stade de la procédure sont de nature préliminaire. Elles permettent de décider de l'opportunité ou non d'une enquête et non pas de conclure de façon déterminante sur la culpabilité ou l'innocence de telle ou telle personne. Ce n'est que lorsqu'au vu des éléments recueillis, il y aura raisonnablement lieu de penser qu'une personne est pénalement responsable de crimes relevant de la compétence de la Cour, que je demanderai au juges de délivrer un mandat d'arrêt ou une citation à comparaître.

Les enquêteurs du Bureau collecteront, en toute indépendance et en toute impartialité, les éléments de preuve nécessaires auprès de diverses sources. L'enquête prendra le temps qu'il faudra pour rassembler les éléments de preuve requis.

Le Bureau compte sur le soutien total et la coopération pleine et entière de toutes les parties tout au long de l'enquête.






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