3 avril 2016

ACTU : La mise à jour du commentaire de la première Convention de Genève apporte un éclairage nouveau sur la pertinence continue des Conventions de Genève de 1949

Catherine MAIA

Qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui est interdit dans un conflit armé ? Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels constituent le fondement du droit international humanitaire et établissent un cadre aux réponses à cette question.

Dans les années 1950, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a publié une série de commentaires sur ces Conventions de Genève, qui donnent des conseils pratiques sur leur mise en œuvre. Afin d'appréhender l'évolution du droit et de la pratique, l'institution a commandé une série de commentaires qui s'attachent à refléter les interprétations des Conventions, telles qu'elles prévalent aujourd'hui. Le premier volet, à savoir la mise à jour du commentaire de la première Convention, vient d'être publié (mars 2016). Jean-Marie Henckaerts, conseiller juridique à la Division juridique du CICR et chef du projet de mise à jour des Commentaires des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977, nous livre quelques explications.


Quel est le principal objectif de la mise à jour des commentaires ?

La mise à jour des commentaires vise principalement à offrir une compréhension du droit, dans son interprétation actuelle, pour qu'il soit mis en œuvre de manière effective dans les conflits armés contemporains. Cette contribution importante permet, selon nous, de réaffirmer la pertinence continue des Conventions, de générer leur respect et de renforcer la protection des victimes pris dans les conflits armés. Grâce à l'expérience acquise dans l'application et l'interprétation des Conventions durant les six dernières décennies, il nous est possible de mieux comprendre comment elles opèrent durant les conflits armés dans le monde entier et dans des contextes très différents de ceux qui avaient conduit à leur adoption. Par ailleurs, les nouveaux commentaires vont bien au-delà des premiers commentaires élaborés dans les années 1950 qui se fondaient principalement sur les travaux préparatoires des Conventions et sur l'expérience de la Seconde Guerre mondiale.

Pouvez-vous donner un exemple de questions auxquelles les commentaires apportent des précisions ?

Les commentaires font la lumière sur de nombreuses questions, qu'il s'agisse de diverses règles d'application du droit international humanitaire dans les conflits complexes d'aujourd'hui, ou de l'obligation des Parties à l'égard des blessés et des malades. Par exemple, en vertu de la première Convention de Genève, les blessés et les malades doivent être protégés et respectés. Mais qu'est-ce que cela signifie dans la pratique ? Quelle est la norme requise en matière de soins médicaux pour le traitement des blessés et des malades ? Comment recueillir et soigner les blessés et les malades en l'absence de troupes sur le terrain ? Les réponses à ces questions et d'autres revêtent une dimension à la fois juridique et opérationnelle qui est traitée par le Commentaire de la Première Convention.

À qui, d'après vous, ces commentaires seront utiles ?

Les commentaires sont un outil essentiel pour des praticiens du droit, tels que les commandants militaires, les officiers et les juristes, parce qu'ils leur permettent d'assurer la protection des victimes durant un conflit armé. Ils serviront aussi à former les membres des forces armées, à préparer les instructions pour les forces armées et à s'assurer que les ordres militaires sont conformes au droit. Mais ils seront également utiles aux juges qui doivent appliquer le droit humanitaire, notamment dans les juridictions pénales et les tribunaux où les personnes accusées d'infractions au droit peuvent être traduites en justice. Parmi les autres utilisateurs, il y a lieu de relever les avocats au sein des gouvernements, les organisations internationales, le CICR, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et les milieux universitaires. Nous savons que les commentaires des années 1950 leur ont été utiles. La mise à jour de commentaires sera pour eux aussi un outil important dans la mesure où les idées et les références y sont plus nuancées.

En quoi les commentaires reflètent-ils la prévalence de conflits armés non internationaux de nos jours ?

Étant donné qu'aujourd'hui, la plupart des conflits armés sont non internationaux, le règlement de ces conflits est devenu un enjeu capital. L'article 3 est une disposition clé des Conventions qui a trait à ces conflits, et le nouveau Commentaire présente une vaste interprétation de tous les aspects de cette « mini-Convention » : le champ d'application, l'exigence d'un traitement humain, la prise en charge des blessés et des malades, les activités humanitaires, les aspects criminels et la conformité. Mais ce Commentaire traite aussi de sujets urgents, comme la violence sexuelle et le non-refoulement, c'est-à-dire de l'interdiction de renvoyer des personnes vers des pays où leur vie risque d'être menacée.

Quels sont les autres développements pris en compte par les commentaires ?

L'approche de la question de la protection des femmes est un bon exemple. La référence aux femmes dans le Commentaire initial qui fait état d'égards que l'on « accorde à des êtres plus faibles et dont l'honneur et la pudeur doivent être respectés » ne serait plus considérée aujourd'hui comme appropriée. Il est clair qu'à leur origine, les commentaires résultaient du contexte social et historique de l'époque. Mais de nos jours, la compréhension des besoins spécifiques des femmes, des hommes, des filles, et des capacités liées aux différentes manières dont les conflits armés peuvent les affecter, s'est améliorée. Le nouveau Commentaire reflète l'évolution sociale et du droit international sur l'égalité des sexes.

Est-ce que les nouveaux commentaires prennent en compte d'autres domaines du droit international ?

Lorsque les Conventions de Genève ont été adoptées, de nombreux domaines du droit international voyaient tout juste le jour, comme le droit des droits de l'homme, le droit pénal international et le droit des réfugiés, mais ces domaines se sont considérablement développés. Ces domaines du droit complètent le droit humanitaire car ils visent tous à apporter une protection aux personnes qui en ont besoin. Le droit humanitaire n'est pas une branche autonome, il est relié à d'autres domaines du droit international. Par conséquent, les interprétations actuelles qu'offrent les nouveaux commentaires prennent en compte les développements d'autres domaines chaque fois qu'ils sont pertinents pour l'interprétation d'une règle contenue dans la Convention. Des développements d'autres domaines qui sont plus techniques, tels que le droit des traités ou le droit relatif à la responsabilité des États, sont également pris en compte dans les nouveaux commentaires.


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