25 avril 2016

ACTU : Ouverture d’un examen préliminaire par la CPI sur les violences commises au Burundi depuis avril 2015

Catherine MAIA

La 25 avril, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé dans un communiqué l’ouverture d’un examen préliminaire, étape préalable à une enquête, sur les violences commises au Burundi depuis avril 2015.

Cette décision fait suite à une série de plaintes déposées depuis un an contre le Gouvernement, les services de sécurité et le président Nkurunziza. Le mois dernier, trois avocats ont notamment déposé une plainte au nom d’une soixantaine de familles victimes d’exécutions extra-judiciaires. Le procureur général du Burundi avait ignoré cette procédure, avant d’être lui-même l’objet d’une plainte pour entrave à la justice. Ces familles, tout comme l’ONG Human Rights Watch, accusent Valentin Bagorikunda de passer sous silence les crimes commis par l’État burundais.

Fatou Bensouda revient dans son communiqué sur les raisons l’ayant conduit à ouvrir une enquête préliminaire : « Mon bureau a reçu et étudié des communications et des rapports concernant des cas de meurtres, d’emprisonnements, d’actes de torture, de viols, et autres formes de violence sexuelle, ainsi que des cas de disparitions forcées. Étant donné que tous ces actes semblent relever de la compétence de la CPI, j’ai décidé d’entamer un examen préliminaire de la situation au Burundi depuis avril 2015 ».

La procureure précise toutefois qu’un examen préliminaire n’équivaut pas à une enquête : « Il s’agit d’un processus d’analyse pour déterminer si les critères du Statut de Rome pour ouvrir une enquête sont remplis. Afin de prendre cette décision, il m’appartient, en qualité de procureure, d’analyser les questions liées à la compétence, à la recevabilité, et aux intérêts de la justice. Nous tenons dûment compte de toutes les informations et observations qui sont transmises au Bureau au cours d’un examen préliminaire, guidés exclusivement par les exigences du Statut de Rome. Nous conduirons cette analyse en toute indépendance et en toute impartialité ».

D’autres examens préliminaires ont été ouverts en Afghanistan, en Colombie, en Guinée, en Irak, au Nigeria, en Palestine et en Ukraine. Aucun délai n’étant fixé par le Statut de Rome pour conclure un examen préliminaire, la procureure ne prendra une décision que lorsqu’elle disposera d’une « base raisonnable » pour le faire : « Si les critères sont remplis, je pourrais décider de demander aux juges de la CPI l’autorisation d’ouvrir une enquête. Je pourrais aussi décider ne pas ouvrir d’enquête si les critères ne sont pas remplis. Mon Bureau contactera également les autorités burundaises afin de s’informer de la nature des enquêtes et des poursuites pertinentes menées sur le plan national ».

Le Burundi est plongé dans une grave crise depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé sa candidature en avril 2015 à un troisième mandat, qu’il a finalement obtenu un juillet au terme d’une élection controversée. A ce jour, les violences ont déjà fait plus de 500 morts et poussé près de 270 000 personnes à quitter le pays.

Le Président est accusé par l’opposition, la société civile et une partie de son camp d’avoir violé la Constitution, ainsi que l’Accord d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile ayant déchiré le pays entre 1993 et 2006 et causé près de 300 000 morts.

« Depuis avril 2015, je suis de près la situation au Burundi et j’ai exhorté, à plusieurs reprises, toutes les parties impliquées à ne pas céder à la violence », a précisé Fatou Bensouda. « Je les ai prévenues que les personnes qui commettraient des crimes relevant de la compétence de la CPI pourraient être tenues responsables à titre individuel ».

Installée à La Haye, la CPI est compétente pour poursuivre des auteurs présumés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis le 1er juillet 2002. A ce jour, 123 Etats, dont le Burundi, ont adhéré au Statut de Rome.


Depuis avril 2015, je suis de près la situation au Burundi et j'ai exhorté, à plusieurs reprises, toutes les parties impliquées à ne pas céder à la violence. Je les ai prévenues que les personnes qui commettraient des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (la « CPI » ou la « Cour ») pourraient être tenues responsables à titre individuel.

Dans le cadre de la crise qui secoue le pays, plus de 430 personnes auraient été tuées, 3 400 personnes au moins auraient été arrêtées et plus de 230 000 Burundais auraient été contraints de se réfugier dans des pays voisins. Mon Bureau a examiné un certain nombre de communications et de rapports faisant état de meurtres, d'emprisonnements, d'actes de torture, de viols et autres formes de violence sexuelle, ainsi que de cas de disparitions forcées. Tous ces actes semblent relever de la compétence de la CPI. J'ai par conséquent décidé d'entamer un examen préliminaire en ce qui concerne la situation qui prévaut au Burundi depuis avril 2015.

Un examen préliminaire ne constitue en aucun cas une enquête mais un processus par lequel les renseignements disponibles sont examinés afin de déterminer en toute connaissance de cause s'il existe ou non une base raisonnable pour ouvrir une enquête au regard des critères posés par le Statut de Rome. Pour prendre sa décision, le Procureur est tenu d'analyser en particulier les questions liées à la compétence, à la recevabilité et aux intérêts de la justice, ainsi qu'il est prévu à l'article 53-1 du Statut de Rome. Le Bureau tient dûment compte de l'ensemble des observations et des points de vue qui lui sont transmis au cours de l'examen préliminaire, guidé exclusivement par les exigences du Statut de Rome pour mener à bien sa mission en toute indépendance et en toute impartialité.
Aucun délai n'est fixé par le Statut de Rome s'agissant de la suite à donner à un examen préliminaire. Le Bureau pourra décider, en fonction des faits et des circonstances propres à chaque situation, de continuer à recueillir des informations afin de rendre une décision dûment motivée en fait et en droit, d'ouvrir une enquête, sous réserve de l'autorisation des juges, ou de ne pas en ouvrir, s'il n'y a pas de base raisonnable pour le faire.

En conformité avec le principe de complémentarité, mon Bureau sera également engagé avec les autorités burundaises en vue de discuter et d'évaluer les enquêtes et les poursuites pertinentes au plan national.

Le Burundi est un État partie au Statut de Rome, ce qui signifie que la CPI peut exercer sa compétence à l'égard d'actes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants à compter du 1er décembre 2004, date d'entrée en vigueur du Statut dans ce pays.

Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en toute indépendance et en toute impartialité. Le Bureau a mené des enquêtes en Ouganda; en République Démocratique du Congo; au Darfour (Soudan); en République centrafricaine (deux enquêtes distinctes); au Kenya; en Libye; en Côte d'Ivoire;  au Mali et en Géorgie. Il conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Afghanistan; en Colombie; en Guinée; en Iraq/Royaume Uni; en Palestine; au Nigéria, et en Ukraine.





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