À la veille du Sommet régional sur la sécurité qui doit
se tenir à Abuja, au Nigéria, afin d’évaluer l’action régionale menée contre
Boko Haram, le Conseil de sécurité, dans une déclaration présidentielle adoptée le 13 mai, a souligné la nécessité
d’une stratégie globale pour « affaiblir et vaincre » ce groupe
terroriste, qui continue de menacer la paix en Afrique de l’Ouest et en Afrique
centrale et entretient des liens avec Daech.
Cette stratégie, note le
Conseil de sécurité, doit consister à mener, « dans le respect du droit international,
des opérations de sécurité coordonnées et à renforcer l’action des civils, afin
d’améliorer la gouvernance et de promouvoir la croissance économique dans les
zones touchées ».
Le Conseil se félicite de
la décision d’organiser le Sommet d'Abuja, une « initiative capitale » prise
par le Président du Nigéria, Muhammadu Buhari, qui doit déboucher sur une
stratégie d’ensemble de gestion des répercussions de la crise. Ce Sommet
fait suite à celui qui s’est tenu à Paris le 17 mai 2014, dont l’objectif était
de renforcer la coopération régionale entre le Cameroun, le Niger, le Nigéria,
le Tchad et le Bénin.
Le Conseil engage, en
outre, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest à redoubler d’efforts
afin d’adopter, en coordination avec l’Union africaine, une stratégie commune
de lutte face à Boko Haram.
Les États de la région du
bassin du lac Tchad devront compléter les opérations militaires et sécuritaires
contre Boko Haram par « une action nationale et régionale » afin,
notamment, d’apporter une aide humanitaire aux personnes déplacées, de
promouvoir l’état de droit, d’empêcher le trafic d’armes et de renforcer la
protection des civils. Les organismes des Nations Unies concernés leur
apporteront leur concours.
Le Conseil de sécurité est, en effet,
gravement préoccupé par « l’ampleur alarmante » de la crise
humanitaire dans la région du bassin du lac Tchad provoquée par les activités
de Boko Haram. Au moins 2,2 millions de Nigérians ont été déplacés
et 450 000 personnes ont trouvé refuge au Cameroun, au Niger et au
Tchad.
En outre, 4,2 millions de
personnes de la région du bassin du lac Tchad font face à une crise en matière
de sécurité alimentaire, dont 800 000 dans les États nigérians de Borno et
de Yobe, où, chaque jour, 184 enfants risquent de mourir de faim si une
aide alimentaire d’urgence ne leur est pas fournie.
Cette déclaration présidentielle du Conseil de sécurité
fait suite à une précédente déclaration du 11 mai par laquelle, après un long débat (S/2016/416) portant sur la lutte « contre les récits
et les idéologies du terrorisme », le Conseil appelle également, et
plus généralement, à créer un « cadre international complet » pour lutter
contre la rhétorique et les idéologies des groupes terroristes comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech),
Al-Qaida ou des groupes associés.
Dans sa déclaration
présidentielle, le Conseil de sécurité a ainsi prié le Comité contre le
terrorisme de lui présenter, le 30 avril 2017 au plus tard, une proposition en
ce sens.
« Le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur
d’une démarche suivie et globale, faisant appel à la participation et à la
collaboration actives de tous les États, des organisations internationales et
régionales et de la société civile, selon qu’il convient, pour contrer,
affaiblir, isoler et neutraliser la menace terroriste, conformément à la
Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies », a souligné
« avec insistance », au nom de tous ses membres, le Ministre égyptien
des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, qui présidait ce débat.
Au cours du débat, auquel ont pris part près de 70
délégations étatiques, dont une quinzaine conduites par des ministres, il a été
établi que, depuis quelques années, la nécessité de contrer la rhétorique et
les idéologies terroristes se fait de plus en plus pressante, afin d’être en
première ligne de l’action menée au niveau mondial pour combattre le
terrorisme.
Les délégations étatiques, tout comme le Conseil de
sécurité dans sa déclaration présidentielle, ont noté avec inquiétude le fait
que les groupes terroristes « construisent un discours fallacieux fondé
sur une interprétation erronée et une présentation déformée de la religion pour
justifier la violence qu’ils utilisent pour recruter des partisans et des
combattants terroristes étrangers, mobiliser des ressources et obtenir l’appui
de sympathisants, en particulier en exploitant les technologies de
l’information et des communications, notamment Internet et les médias
sociaux ».
« L’objectif à poursuivre doit être de préserver les
populations de la crainte et d’empêcher l’érosion de nos valeurs
universelles », a affirmé le Vice-Secrétaire général de l’ONU, Jan
Eliasson, en soulignant que lorsque « nous assumons nos responsabilités,
nous obtenons un avantage tant moral que stratégique ».
M. Eliasson a rappelé que le Secrétaire général de l’ONU,
M. Ban Ki-moon, qui avait élaboré un Plan d’action pour prévenir l’extrémisme
violent, avait plaidé pour une « approche globale et pratique » en
vue de répondre aux facteurs complexes qui conduisent des individus vers la
radicalisation.
Il a également appelé à écouter avec attention les
communautés affectées et à composer avec les partenaires que sont les
dirigeants communautaires et religieux, les femmes et les jeunes, qui forment,
selon lui, le meilleur rempart contre l’extrémisme violent aux niveaux local et
individuel.
Au cours de la discussion qui a suivi son intervention et
celles du Secrétaire général de la Al Azhar Islamic Research Academy, Mohi
El-Din Afifi, et du Vice-Président et Conseiller juridique adjoint de
Microsoft, Steven A. Crown, les délégations ont affirmé que le terrorisme ne
pouvait et ne saurait être associé à une religion, une nationalité ou une
civilisation, quelle qu’elle soit, insistant ainsi sur l’importance de
promouvoir la tolérance et le dialogue interconfessionnels.
Au nom de l’Organisation de la coopération islamique
(OCI), le représentant du Koweït a ainsi expliqué que l’expression
« groupes terroristes d’inspiration religieuse » était erronée, car
aucune religion ne tolère ni n’inspire le terrorisme, alors qu’il existe « des
groupes terroristes qui exploitent les religions ».
Il a ajouté que
l’OCI luttait contre les idéologies extrémistes en donnant la parole à des
dirigeants religieux crédibles qui transmettent le langage de la tolérance et
de la non-violence.
Pour la France, cible en novembre 2015 d’attentats
sanglants, « l’ONU a un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le
terrorisme en général et contre Daech en particulier », tel que le stipule
la Résolution 2249 (2015), dont ce pays fut à l’initiative, et qui définit le
cadre de « notre combat commun ». De même, a poursuivi son
représentant, l’ONU a un rôle unique à jouer pour mobiliser non seulement la
communauté des nations, mais aussi la société civile, contre l’idéologie et les
narratifs terroristes.
« L’adoption par la communauté internationale d’une
stratégie globale, coercitive et inclusive, n’est plus une simple option, mais
un impératif », a estimé son homologue du Sénégal qui, à l’instar de
nombreux orateurs, a estimé que la lutte contre le terrorisme devrait s’attaquer
aux causes structurelles et conjoncturelles propices à son évolution, notamment
la marginalisation, la mauvaise gouvernance et l’absence de perspectives
socioéconomiques.
Plusieurs intervenants ont, comme la Ministre des Affaires
étrangères et du culte de l’Argentine, Susanna Malcorra, plaidé pour
que les États membres s’assurent que toutes les mesures qu’ils prennent pour
combattre le terrorisme soient conformes à la Charte des Nations Unies et à
l’ensemble des obligations que leur impose le droit international, en
particulier le droit international relatif aux droits de l’Homme, le droit
international relatif aux réfugiés et le droit international humanitaire.
« Notre voix doit être ferme et unie, et notre
message - le message du monde entier à des terroristes - doit être clair et
retentissant », a lancé, pour sa part, le Ministre égyptien des Affaires
étrangères : « Laissez-nous travailler ensemble pour être la voix de la
vérité, de la justice et de la tolérance, face à la voix du terrorisme, de l’extrémisme
et de la haine ».
Lutter contre les récits et les
idéologies du terrorisme
Déclaration présidentielle du Conseil de sécurité, 11 mai 2016
Le Conseil de sécurité rappelle
qu’en vertu de la Charte des Nations Unies il a la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Le Conseil réaffirme que le
terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue
une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales
et que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels
qu’en soient les motivations et les auteurs et indépendamment de l’endroit et
du moment où ils sont perpétrés.
Le Conseil réaffirme également
son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance
politique de tous les États, conformément à la Charte.
Le Conseil souligne que le
terrorisme ne peut et ne saurait être associé à une religion, une nationalité
ou une civilisation, quelle qu’elle soit, et, ce faisant, insiste sur
l’importance de promouvoir la tolérance et le dialogue interconfessionnel.
Le Conseil déclare avec
insistance que le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur d’une démarche
suivie et globale, faisant appel à la participation et à la collaboration
actives de tous les États, des organisations internationales et régionales et
de la société civile, selon qu’il convient, pour contrer, affaiblir, isoler et
neutraliser la menace terroriste, conformément à la Stratégie antiterroriste mondiale
des Nations Unies.
Le Conseil réaffirme que les
États membres doivent s’assurer que toutes les mesures qu’ils prennent pour
combattre le terrorisme sont conformes à la Charte et à l’ensemble des
obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit
international des droits de l’Homme, le droit international des réfugiés et le
droit international humanitaire.
Le Conseil réaffirme l’obligation
faite aux États membres de s’abstenir d’apporter toute forme d’appui, actif ou
passif, à des entités ou personnes participant ou associées à des actes de
terrorisme, notamment en réprimant le recrutement de membres de groupes
terroristes, conformément au droit international, et en mettant fin à
l’approvisionnement en armes des terroristes.
Le Conseil souligne qu’il importe
de donner rapidement effet à ses résolutions concernant la lutte contre le
terrorisme, et rappelle à ce propos ses Résolutions 1373 (2001), 1624 (2005) et
2178 (2014), notamment.
Conformément à la responsabilité
principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui
incombe en vertu de la Charte, le Conseil rappelle que la lutte contre
l’extrémisme violent, lequel peut conduire au terrorisme, consiste notamment à
prévenir la radicalisation et la mobilisation de personnes et leur recrutement
dans des groupes terroristes et à empêcher ces personnes de devenir des
combattants terroristes étrangers, est essentielle pour contrer la menace pour
la paix et la sécurité internationales que représentent les combattants
terroristes étrangers, comme il l’a souligné dans sa résolution 2178 (2014),
et, dans ce contexte, prend note du Plan d’action du Secrétaire général pour la
prévention de l’extrémisme violent et note également que l’Assemblée générale
s’est félicitée de l’initiative prise par le Secrétaire général et a pris note
dudit plan d’action, qui sera étudié plus avant durant l’examen de la Stratégie
antiterroriste mondiale des Nations Unies en juin 2016, ainsi que dans le cadre
d’autres instances pertinentes.
Le Conseil note avec inquiétude
que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également appelé Daech),
Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont
associés, construisent un discours fallacieux fondé sur une interprétation erronée
et une présentation déformée de la religion pour justifier la violence, qu’ils
utilisent pour recruter des partisans et des combattants terroristes étrangers,
mobiliser des ressources et obtenir l’appui de sympathisants, en particulier en
exploitant les technologies de l’information et des communications, notamment
Internet et les médias sociaux.
Le Conseil prend acte de la
contribution que les victimes du terrorisme en particulier, entre autres
porte-parole légitimes, peuvent apporter à la lutte contre la radicalisation
conduisant à la violence, et à la mise au point de puissantes campagnes sur les
médias sociaux et activités de contre-propagande visant à faire obstacle au
discours terroriste et aux tentatives de recrutement en ligne.
Le Conseil note à ce sujet qu’il
est urgent de lutter à l’échelle mondiale contre les activités que l’EIIL
(Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur
sont associés mènent pour inciter à commettre des actes de terrorisme et pour
recruter à cette fin, et estime que la communauté internationale devrait
s’appliquer à comprendre exactement comment ces groupes parviennent à pousser
d’autres personnes à commettre des actes de terrorisme ou à les recruter à
cette fin; à mettre au point les moyens les plus efficaces possibles de
combattre la propagande terroriste, les incitations au terrorisme et les
recrutements à ces fins, notamment en utilisant Internet, dans le respect du
droit international, y compris le droit international des droits de l’Homme; à
bâtir une campagne de contre-propagande visant à susciter et à amplifier la
dénonciation active de l’EIIL (Daech), d’Al-Qaida et des personnes, groupes,
entreprises ou entités qui leur sont associés, afin de souligner le caractère
fallacieux et incohérent de la propagande terroriste, chaque fois qu’il y a
lieu, tout en tenant compte de la nécessité ladite campagne soit adaptée aux
contextes nationaux; à sensibiliser le public, y compris par des activités
éducatives portant sur le discours antiterroriste; à mettre au point des moyens
plus efficaces de coopération entre les pouvoirs publics et les acteurs
appropriés de la société civile, les populations locales et les partenaires du
secteur privé, selon qu’il convient, pour contrer les efforts de radicalisation
et de recrutement de l’EIIL (Daech), d’Al-Qaida et des personnes, groupes,
entreprises ou entités qui leur sont associés; à renforcer les mécanismes de
coopération internationale; à définir les infrastructures et capacités supplémentaires
qui leur seraient utiles; à mobiliser les ressources nécessaires là où il
existe des besoins.
Compte tenu de ce qui précède, le
Conseil prie le Comité contre le terrorisme de lui présenter le 30 avril 2017
au plus tard, après consultations étroites avec la Direction exécutive du
Comité contre le terrorisme et les autres organismes des Nations Unies
compétents ainsi que les organisations internationales et régionales, en
particulier le Bureau de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, et
les États membres intéressés, une proposition de cadre international complet,
assortie de recommandations sur les principes directeurs et bonnes pratiques à
suivre pour lutter efficacement, dans le respect du droit international, contre
la façon dont l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises
ou entités qui leur sont associés utilisent leur discours pour encourager et
pousser d’autres personnes à commettre des actes de terrorisme ou pour les
recruter à cette fin, en menant notamment une campagne de contre-propagande,
dans l’esprit des campagnes analogues conduites par l’ONU, ainsi que des
options concernant les moyens de coordonner la mise en œuvre de ce cadre et de
mobiliser les ressources nécessaires, soulignant à cet égard le rôle primordial
que les États membres doivent jouer dans la définition des activités et
modalités d’exécution relatives à ce cadre et saluant l’action qu’ils
continuent de mener pour renforcer la coopération et la coordination
interorganisations et créer des partenariats utiles avec le secteur privé, la
société civile, les institutions religieuses et culturelles et les
établissements d’enseignement en vue de lutter contre le discours des groupes
terroristes et l’incitation à commettre des actes de terrorisme.
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