15 mai 2016

ACTU : Le Conseil de sécurité insiste sur la nécessité d’une stratégie globale pour vaincre Boko Haram et appelle à créer un « cadre international complet » pour lutter contre la rhétorique et les idéologies des groupes terroristes

Catherine MAIA

À la veille du Sommet régional sur la sécurité qui doit se tenir à Abuja, au Nigéria, afin d’évaluer l’action régionale menée contre Boko Haram, le Conseil de sécurité, dans une déclaration présidentielle adoptée le 13 mai, a souligné la nécessité d’une stratégie globale pour « affaiblir et vaincre » ce groupe terroriste, qui continue de menacer la paix en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale et entretient des liens avec Daech.

Cette stratégie, note le Conseil de sécurité, doit consister à mener, « dans le respect du droit international, des opérations de sécurité coordonnées et à renforcer l’action des civils, afin d’améliorer la gouvernance et de promouvoir la croissance économique dans les zones touchées ».

Le Conseil se félicite de la décision d’organiser le Sommet d'Abuja, une « initiative capitale » prise par le Président du Nigéria, Muhammadu Buhari, qui doit déboucher sur une stratégie d’ensemble de gestion des répercussions de la crise. Ce Sommet fait suite à celui qui s’est tenu à Paris le 17 mai 2014, dont l’objectif était de renforcer la coopération régionale entre le Cameroun, le Niger, le Nigéria, le Tchad et le Bénin.

Le Conseil engage, en outre, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest à redoubler d’efforts afin d’adopter, en coordination avec l’Union africaine, une stratégie commune de lutte face à Boko Haram.

Les États de la région du bassin du lac Tchad devront compléter les opérations militaires et sécuritaires contre Boko Haram par « une action nationale et régionale » afin, notamment, d’apporter une aide humanitaire aux personnes déplacées, de promouvoir l’état de droit, d’empêcher le trafic d’armes et de renforcer la protection des civils. Les organismes des Nations Unies concernés leur apporteront leur concours. 

Le Conseil de sécurité est, en effet, gravement préoccupé par « l’ampleur alarmante » de la crise humanitaire dans la région du bassin du lac Tchad provoquée par les activités de Boko Haram. Au moins 2,2 millions de Nigérians ont été déplacés et 450 000 personnes ont trouvé refuge au Cameroun, au Niger et au Tchad.

En outre, 4,2 millions de personnes de la région du bassin du lac Tchad font face à une crise en matière de sécurité alimentaire, dont 800 000 dans les États nigérians de Borno et de Yobe, où, chaque jour, 184 enfants risquent de mourir de faim si une aide alimentaire d’urgence ne leur est pas fournie.

Cette déclaration présidentielle du Conseil de sécurité fait suite à une précédente déclaration du 11 mai par laquelle, après un long débat (S/2016/416) portant sur la lutte « contre les récits et les idéologies du terrorisme », le Conseil appelle également, et plus généralement, à créer un « cadre international complet » pour lutter contre la rhétorique et les idéologies des groupes terroristes comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech), Al-Qaida ou des groupes associés.

Dans sa déclaration présidentielle, le Conseil de sécurité a ainsi prié le Comité contre le terrorisme de lui présenter, le 30 avril 2017 au plus tard, une proposition en ce sens. 

« Le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur d’une démarche suivie et globale, faisant appel à la participation et à la collaboration actives de tous les États, des organisations internationales et régionales et de la société civile, selon qu’il convient, pour contrer, affaiblir, isoler et neutraliser la menace terroriste, conformément à la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies », a souligné « avec insistance », au nom de tous ses membres, le Ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, qui présidait ce débat.

Au cours du débat, auquel ont pris part près de 70 délégations étatiques, dont une quinzaine conduites par des ministres, il a été établi que, depuis quelques années, la nécessité de contrer la rhétorique et les idéologies terroristes se fait de plus en plus pressante, afin d’être en première ligne de l’action menée au niveau mondial pour combattre le terrorisme.

Les délégations étatiques, tout comme le Conseil de sécurité dans sa déclaration présidentielle, ont noté avec inquiétude le fait que les groupes terroristes « construisent un discours fallacieux fondé sur une interprétation erronée et une présentation déformée de la religion pour justifier la violence qu’ils utilisent pour recruter des partisans et des combattants terroristes étrangers, mobiliser des ressources et obtenir l’appui de sympathisants, en particulier en exploitant les technologies de l’information et des communications, notamment Internet et les médias sociaux ».

« L’objectif à poursuivre doit être de préserver les populations de la crainte et d’empêcher l’érosion de nos valeurs universelles », a affirmé le Vice-Secrétaire général de l’ONU, Jan Eliasson, en soulignant que lorsque « nous assumons nos responsabilités, nous obtenons un avantage tant moral que stratégique ».

M. Eliasson a rappelé que le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, qui avait élaboré un Plan d’action pour prévenir l’extrémisme violent, avait plaidé pour une « approche globale et pratique » en vue de répondre aux facteurs complexes qui conduisent des individus vers la radicalisation.

Il a également appelé à écouter avec attention les communautés affectées et à composer avec les partenaires que sont les dirigeants communautaires et religieux, les femmes et les jeunes, qui forment, selon lui, le meilleur rempart contre l’extrémisme violent aux niveaux local et individuel. 

Au cours de la discussion qui a suivi son intervention et celles du Secrétaire général de la Al Azhar Islamic Research Academy, Mohi El-Din Afifi, et du Vice-Président et Conseiller juridique adjoint de Microsoft, Steven A. Crown, les délégations ont affirmé que le terrorisme ne pouvait et ne saurait être associé à une religion, une nationalité ou une civilisation, quelle qu’elle soit, insistant ainsi sur l’importance de promouvoir la tolérance et le dialogue interconfessionnels.

Au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), le représentant du Koweït a ainsi expliqué que l’expression « groupes terroristes d’inspiration religieuse » était erronée, car aucune religion ne tolère ni n’inspire le terrorisme, alors qu’il existe « des groupes terroristes qui exploitent les religions ». 

Il a ajouté que l’OCI luttait contre les idéologies extrémistes en donnant la parole à des dirigeants religieux crédibles qui transmettent le langage de la tolérance et de la non-violence.

Pour la France, cible en novembre 2015 d’attentats sanglants, « l’ONU a un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le terrorisme en général et contre Daech en particulier », tel que le stipule la Résolution 2249 (2015), dont ce pays fut à l’initiative, et qui définit le cadre de « notre combat commun ».  De même, a poursuivi son représentant, l’ONU a un rôle unique à jouer pour mobiliser non seulement la communauté des nations, mais aussi la société civile, contre l’idéologie et les narratifs terroristes.

« L’adoption par la communauté internationale d’une stratégie globale, coercitive et inclusive, n’est plus une simple option, mais un impératif », a estimé son homologue du Sénégal qui, à l’instar de nombreux orateurs, a estimé que la lutte contre le terrorisme devrait s’attaquer aux causes structurelles et conjoncturelles propices à son évolution, notamment la marginalisation, la mauvaise gouvernance et l’absence de perspectives socioéconomiques. 

Plusieurs intervenants ont, comme la Ministre des Affaires étrangères et du culte de l’Argentine, Susanna Malcorra, plaidé pour que les États membres s’assurent que toutes les mesures qu’ils prennent pour combattre le terrorisme soient conformes à la Charte des Nations Unies et à l’ensemble des obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit international relatif aux droits de l’Homme, le droit international relatif aux réfugiés et le droit international humanitaire.

« Notre voix doit être ferme et unie, et notre message - le message du monde entier à des terroristes - doit être clair et retentissant », a lancé, pour sa part, le Ministre égyptien des Affaires étrangères : « Laissez-nous travailler ensemble pour être la voix de la vérité, de la justice et de la tolérance, face à la voix du terrorisme, de l’extrémisme et de la haine ».


Lutter contre les récits et les idéologies du terrorisme

Déclaration présidentielle du Conseil de sécurité, 11 mai 2016

Le Conseil de sécurité rappelle qu’en vertu de la Charte des Nations Unies il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le Conseil réaffirme que le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales et que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations et les auteurs et indépendamment de l’endroit et du moment où ils sont perpétrés.

Le Conseil réaffirme également son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tous les États, conformément à la Charte.

Le Conseil souligne que le terrorisme ne peut et ne saurait être associé à une religion, une nationalité ou une civilisation, quelle qu’elle soit, et, ce faisant, insiste sur l’importance de promouvoir la tolérance et le dialogue interconfessionnel.

Le Conseil déclare avec insistance que le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur d’une démarche suivie et globale, faisant appel à la participation et à la collaboration actives de tous les États, des organisations internationales et régionales et de la société civile, selon qu’il convient, pour contrer, affaiblir, isoler et neutraliser la menace terroriste, conformément à la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.

Le Conseil réaffirme que les États membres doivent s’assurer que toutes les mesures qu’ils prennent pour combattre le terrorisme sont conformes à la Charte et à l’ensemble des obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit international des droits de l’Homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire.

Le Conseil réaffirme l’obligation faite aux États membres de s’abstenir d’apporter toute forme d’appui, actif ou passif, à des entités ou personnes participant ou associées à des actes de terrorisme, notamment en réprimant le recrutement de membres de groupes terroristes, conformément au droit international, et en mettant fin à l’approvisionnement en armes des terroristes.

Le Conseil souligne qu’il importe de donner rapidement effet à ses résolutions concernant la lutte contre le terrorisme, et rappelle à ce propos ses Résolutions 1373 (2001), 1624 (2005) et 2178 (2014), notamment.

Conformément à la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui incombe en vertu de la Charte, le Conseil rappelle que la lutte contre l’extrémisme violent, lequel peut conduire au terrorisme, consiste notamment à prévenir la radicalisation et la mobilisation de personnes et leur recrutement dans des groupes terroristes et à empêcher ces personnes de devenir des combattants terroristes étrangers, est essentielle pour contrer la menace pour la paix et la sécurité internationales que représentent les combattants terroristes étrangers, comme il l’a souligné dans sa résolution 2178 (2014), et, dans ce contexte, prend note du Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent et note également que l’Assemblée générale s’est félicitée de l’initiative prise par le Secrétaire général et a pris note dudit plan d’action, qui sera étudié plus avant durant l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies en juin 2016, ainsi que dans le cadre d’autres instances pertinentes.

Le Conseil note avec inquiétude que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également appelé Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont associés, construisent un discours fallacieux fondé sur une interprétation erronée et une présentation déformée de la religion pour justifier la violence, qu’ils utilisent pour recruter des partisans et des combattants terroristes étrangers, mobiliser des ressources et obtenir l’appui de sympathisants, en particulier en exploitant les technologies de l’information et des communications, notamment Internet et les médias sociaux.

Le Conseil prend acte de la contribution que les victimes du terrorisme en particulier, entre autres porte-parole légitimes, peuvent apporter à la lutte contre la radicalisation conduisant à la violence, et à la mise au point de puissantes campagnes sur les médias sociaux et activités de contre-propagande visant à faire obstacle au discours terroriste et aux tentatives de recrutement en ligne.

Le Conseil note à ce sujet qu’il est urgent de lutter à l’échelle mondiale contre les activités que l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont associés mènent pour inciter à commettre des actes de terrorisme et pour recruter à cette fin, et estime que la communauté internationale devrait s’appliquer à comprendre exactement comment ces groupes parviennent à pousser d’autres personnes à commettre des actes de terrorisme ou à les recruter à cette fin; à mettre au point les moyens les plus efficaces possibles de combattre la propagande terroriste, les incitations au terrorisme et les recrutements à ces fins, notamment en utilisant Internet, dans le respect du droit international, y compris le droit international des droits de l’Homme; à bâtir une campagne de contre-propagande visant à susciter et à amplifier la dénonciation active de l’EIIL (Daech), d’Al-Qaida et des personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont associés, afin de souligner le caractère fallacieux et incohérent de la propagande terroriste, chaque fois qu’il y a lieu, tout en tenant compte de la nécessité ladite campagne soit adaptée aux contextes nationaux; à sensibiliser le public, y compris par des activités éducatives portant sur le discours antiterroriste; à mettre au point des moyens plus efficaces de coopération entre les pouvoirs publics et les acteurs appropriés de la société civile, les populations locales et les partenaires du secteur privé, selon qu’il convient, pour contrer les efforts de radicalisation et de recrutement de l’EIIL (Daech), d’Al-Qaida et des personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont associés; à renforcer les mécanismes de coopération internationale; à définir les infrastructures et capacités supplémentaires qui leur seraient utiles; à mobiliser les ressources nécessaires là où il existe des besoins.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil prie le Comité contre le terrorisme de lui présenter le 30 avril 2017 au plus tard, après consultations étroites avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et les autres organismes des Nations Unies compétents ainsi que les organisations internationales et régionales, en particulier le Bureau de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, et les États membres intéressés, une proposition de cadre international complet, assortie de recommandations sur les principes directeurs et bonnes pratiques à suivre pour lutter efficacement, dans le respect du droit international, contre la façon dont l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises ou entités qui leur sont associés utilisent leur discours pour encourager et pousser d’autres personnes à commettre des actes de terrorisme ou pour les recruter à cette fin, en menant notamment une campagne de contre-propagande, dans l’esprit des campagnes analogues conduites par l’ONU, ainsi que des options concernant les moyens de coordonner la mise en œuvre de ce cadre et de mobiliser les ressources nécessaires, soulignant à cet égard le rôle primordial que les États membres doivent jouer dans la définition des activités et modalités d’exécution relatives à ce cadre et saluant l’action qu’ils continuent de mener pour renforcer la coopération et la coordination interorganisations et créer des partenariats utiles avec le secteur privé, la société civile, les institutions religieuses et culturelles et les établissements d’enseignement en vue de lutter contre le discours des groupes terroristes et l’incitation à commettre des actes de terrorisme.



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