9 février 2018

ACTU : La CPI décide l’ouverture d’un examen préliminaire sur des crimes présumés aux Philippines et au Venezuela

Catherine MAIA

Le 8 février 2018, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire sur des crimes présumés commis aux Philippines et au Venezuela, deux pays qui sont parties au Statut de Rome et qu'elle suit de près depuis 2016.

Il revient au Bureau du Procureur de la CPI d’apprécier si une situation correspond aux critères juridiques fixés par le Statut de Rome permettant d’ouvrir une enquête (art. 53 du Statut). L’examen préliminaire d’une situation par le Bureau peut être amorcé sur la base : de renseignements transmis par des particuliers ou des groupes, des États, des organisations intergouvernementales ou non gouvernementales ; du renvoi de la situation par un État partie ou par le Conseil de sécurité des Nations Unies ; ou d’une déclaration déposée par un État par laquelle celui-ci consent à ce que la Cour exerce sa compétence (art. 12-3 du Statut).

En l’espèce, Mme Bensouda a expliqué, dans une déclaration vidéo, qu’« Après avoir minutieusement examiné, en toute indépendance et impartialité, un certain nombre de communications et de rapports au sujet de crimes susceptibles de relever de la compétence de la Cour pénale internationale, [elle a] décidé d'entamer un examen préliminaire dans chacune des situations en cause ».

Le Venezuela et les Philippines rejoignent ainsi la liste des pays où la situation est suffisamment inquiétante pour que la CPI s’y intéresse, à savoir : Afghanistan, Colombie, Gabon, Guinée, Irak/Royaume-Uni, Palestine, Nigéria et Ukraine.

Une fois qu’une situation a été détectée, les facteurs exposés aux alinéas a) à c) de l’article 53-1 du Statut de Rome fixent le cadre juridique de l’examen préliminaire et prévoient qu’en vue de déterminer s’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête sur la situation, le Procureur examine la compétence (ratione temporis, ratione materiae et ratione loci ou ratione personae), la recevabilité (complémentarité et gravité) et les intérêts de la justice.

L'examen préliminaire relatif aux Philippines portera sur l'analyse des crimes présumés commis dans le contexte de la campagne de 'guerre contre la drogue' lancée par le Gouvernement philippin au lendemain de l'élection de Rodrigo Duterte à la présidence du pays.

Depuis le 1er juillet 2016, des milliers de personnes auraient été tuées, car elles auraient illégalement consommé des drogues ou se seraient livrées au trafic de stupéfiants. Rien que pour le second semestre de 2016, 6.100 ont été tuées selon les informations rapportées au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme (HCDH).

« Tandis que certains de ces meurtres seraient survenus dans le contexte d'affrontements entre gangs ou au sein de ceux-ci, nombre des faits rapportés concerneraient des meurtres extra-judiciaires perpétrés au cours d'opérations policières de lutte contre la drogue », a déclaré la Procureure.

Concernant le Venezuela, l'examen préliminaire portera, quant à lui, sur l'analyse des crimes présumés depuis avril 2017, dans un contexte de manifestations et de troubles politiques.

« En particulier, les forces de l'ordre de cet État auraient fréquemment eu recours à la force de manière excessive pour disperser des manifestants ou réprimer des manifestations et auraient arrêté et détenu des milliers d'opposants véritables ou perçus comme tels, dont un certain nombre auraient subi de graves sévices et mauvais traitements pendant leur détention », a dit Mme Bensouda, tout en soulignant que des groupes de manifestants auraient également eu recours à la violence, « faisant des morts et des blessés au sein des forces de l'ordre ».

Fin août 2017, l'ONU avait dénoncé un usage excessif de la force par les autorités vénézuéliennes. Des actions qui ont donné l'impression que « ce qu'il reste de la vie démocratique au Venezuela est en train d'être écrasé », avait alors déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.

En novembre 2017, Fatou Bensouda avait reçu au siège de la CPI, à La Haye, l’ex-procureure générale du Venezuela Luisa Ortega, venue demander l’ouverture d’un examen préliminaire sur les meurtres et tortures présumés commis par les dirigeants de ce pays en proie à une grave crise politique et économique.

Au regard du Statut de Rome, la responsabilité d'enquêter sur les responsables de crimes internationaux et de les poursuivre incombe en premier lieu aux juridictions nationales, a rappelé la Procureur ,qui a insisté sur le fait qu'un examen préliminaire ne constitue nullement une enquête, « mais un processus au cours duquel les informations disponibles sont examinées afin de déterminer, en toute connaissance de cause, s'il existe une base raisonnable justifiant l'ouverture d'une enquête au regard des critères posés par le Statut de Rome ».

Conformément au principe de complémentarité, pierre angulaire du système juridique instauré par le Statut de Rome, et dans le cadre de chaque examen préliminaire, le Bureau de la Procureure de la CPI contactera les autorités nationales concernées dans le but d'aborder et d'évaluer toute enquête et toute poursuite pertinentes menées à l'échelon national.

« Mon Bureau tiendra également dûment compte de l'ensemble des observations et des points de vue qui lui seront transmis au cours de chaque examen préliminaire, guidé exclusivement par les exigences du Statut de Rome », a précisé Mme Bensouda.

Aucun délai n'est fixé par le Statut de Rome quant à la durée de l'examen préliminaire. En fonction des faits et des circonstances propres à chaque situation, la Procureure pourra décider s'il convient d'ouvrir une enquête, sous réserve d'un éventuel examen judiciaire, de continuer à recueillir des informations afin de rendre une décision suffisamment motivée en fait et en droit, ou de ne pas ouvrir d'enquête s'il n'existe pas de base raisonnable permettant de le faire.

Mme Bensouda a rappelé que son Bureau s'acquitte de la mission qui lui incombe « en toute indépendance et en toute impartialité » conformément à son mandat et aux instruments juridiques de la CPI en vigueur. « Ce faisant, nous espérons pouvoir compter sur la totale coopération des autorités nationales concernées aux Philippines et au Venezuela », a-t-elle conclu.

Cette décision d'ouvrir un examen préliminaire concernant des pays situés hors du continent africain intervient alors que l'Union africaine vient de tenir, en janvier 2018, son 30e sommet, au cours duquel a été nouvellement discutée la question d'un retrait massif des pays africains du Statut de Rome et de la saisine de la Cour internationale de Justice pour recevoir un avis consultatif sur l'immunité des représentants des États en vertu du droit international.


Source : CPI

1 commentaire :

  1. Le soit disant "acharnement" de la CPI sur le seul continent africain devient de moins en vrai au fur et à mesure que se développe la pratique de la Cour...

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